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Enchères, mode d'emploi

Samedi 10 avril 2021

Investir, Le Journal des Finances, Axelle Corty

La crise sanitaire et son épargne forcée ont dopé la fréquentation des ventes aux enchères en France : ouvertes au public, elles drainent des bataillons de nouveaux acheteurs. Envie de vous lancer ? Décryptage et conseils de pro


« Entrer dans l’univers des enchères, c’est changer sa relation aux objets d’art, pouvoir les reconnaître, regarder autrement ce qu’il y a chez vous et apprendre beaucoup de choses sur l’histoire de l’humanité », avance Aymeric Rouillac, le médiatique commissaire-priseur tourangeau, qui vient de se voir confier un tableau de Claude Monet pour sa prochaine vente de prestige.
La France compte environ 400 maisons de vente, réparties sur tout le territoire. Elles organisent toute l’année des ventes, avec les objets qui leur sont confiés dans ce but. Elles sont répertoriées sur les sites de La Gazette Drouot et d’Interencheres, avec des filtres de recherche. Pour Investir, mieux vaut viser les ventes dites « cataloguées », les plus prestigieuses.

AVANT LA VENTE

« Un catalogue est un ouvrage précieux pour les acheteurs, car il permet de documenter leur acquisition, ce qui constitue un plus à la revente », décrypte Aymeric Rouillac. Le catalogue donne les informations essentielles sur les œuvres proposées :description, caractéristiques stylistiques, date de création, état de conservation et provenance. Pour chaque lot, une estimation basse et haute est indiquée. C’est la fourchette de prix dans laquelle le commissaire-priseur dirige les ventes et, en général, celle à laquelle la maison de ventes estime que l’objet va être vendu. Pour ce faire, il se réfère aux prix d’adjudication constatés pour des œuvres similaires. Le catalogue mentionne aussi les conditions générales de vente, avec les frais à ajouter au prix d’adjudication des objets, en général entre 20 % et 30 %, selon les maisons de ventes.
Les lots sont exposés la veille et le matin même de la vente. C’est le moment de découvrir de visu l’objet qui vous séduit. Vous pouvez le regarder sous toutes ses coutures et même demander à le manipuler. Si vous ne pouvez pas venir à l’exposition, la maison de ventes peut vous envoyer des photos supplémentaires. Pour pouvoir enchérir, inscrivez-vous auprès de l’équipe de la maison de ventes (ou via le site Internet) en présentant RIB et carte d’identité.

PENDANT LES ENCHÈRES

Le commissaire-priseur tient le marteau et dirige la vente. S’il se fait assister d’experts, ces derniers l’entourent et présentent chaque objet expertisé avant sa mise aux enchères. Les clercs« aux étiquettes » et « au procès-verbal » sont chargés d’éditer les bons d’achat remis aux acheteurs, de prendre les paiements et de consigner tout le déroulé de la vente. Les lots s’enchaînent en respectant l’ordre du catalogue. Le crieur circule pendant la vente parmi le public et annonce les enchères portées par les acheteurs. La mise à prix de chaque lot, prix de départ des enchères, est inférieure à son estimation basse. Il existe un prix de réserve, convenu entre le commissaire-priseur et le vendeur de l’œuvre, au-dessous duquel elle ne peut être vendue. « Le prix de réserve est toujours inférieur à l'estimation basse et peut parfois être étonnamment faible », commente Aymeric Rouillac. Les paliers d’enchères sont fonction du niveau de prix, par exemple de 100 € en 100 € au-delà de1.000 €, de 1.000 € en 1.000 € au-delà de 10.000 €. Pour enchérir, le plus simple est de lever la main. « Ce n’est pas si facile, surtout quand on assiste pour la première fois à une vente. Si vous avez demandé des informations avant la vente, le commissaire-priseur aura repéré votre intérêt pour tel ou tel objet et fera attention à vous quand il passera aux enchères, avance Aymeric Rouillac. Au-delà de 1.000 € de palier d’enchère, le commissaire-priseur peut vous proposer d’énoncer des paliers moins élevés quand la bataille cale un peu. Vous pouvez alors proposer votre prix à voix haute. » En cas d’erreur manifeste sur vos intentions, signalez-la immédiatement. Le seul mot « adjugé », avant même le coup de marteau, signale un transfert de propriété, et vous êtes tenu de payer l’objet dont vous êtes l’adjudicataire, sous peine d’être considéré comme « fol enchérisseur », terme qui désigne un acheteur qui s’est laissé emporter par les enchères et ne peut payer son dû. Dans ce cas, vous pouvez être fiché et interdit de salle pour une durée pouvant aller jusqu’à deux ans. Autre interdit, sous peine de six mois de prison et 45.000 €d’amende : entraver les enchères, par exemple en intimidant un autre enchérisseur pour remporter un lot. Vous avez réussi à décrocher l’objet de vos rêves ? Le crieur vous remet l’étiquette qui vous permettra, après paiement, de retirer votre acquisition et le clerc porte alors votre nom au procès-verbal de la vente. Le paiement se fait au comptant, en espèces dans la limite de 1.000 €,par chèque ou par carte bancaire. On peut régler par virement pour un montant important.

APRÈS LA VENTE

Si le lot qui vous intéressait a été retiré de la vente, car le prix de réserve n’a pas été atteint, une vente de gré à gré peut être organisée par le commissaire-priseur. Vous pouvez alors faire une proposition au vendeur à l’estimation basse ou au-dessous. Pour un lot adjugé en salle, vous ne pouvez pas revenir sur votre achat, sous peine, encore une fois, d’être fiché comme fol enchérisseur. Votre seul recours sera de remettre l’œuvre en vente, une fois que vous l’aurez payée.
Conservez bien le bordereau remis après paiement, il détaille les caractéristiques de l’objet (descriptif, époque, état), ses références au catalogue, le prix d’adjudication et le montant des frais, et constitue le titre de paiement et de propriété utile pour une transaction ultérieure ou pour l’assurance du bien. « Les acheteurs bénéficient d’une garantie légale de cinq ans quant à l’authenticité de l’objet acquis, tel qu’il est décrit dans le catalogue, au procès-verbal et sur le bordereau d’achat », informe Aymeric Rouillac. Pour un objet volumineux ou un long trajet, la maison de ventes vous orientera vers son transporteur, qui peut vous livrer votre bien dans la semaine qui suit l’achat pour un montant allant de 50 € à 150 € selon son volume.

Trois conseils à suivre

Pour réussir votre vente, suivez les conseils d’Aymeric Rouillac, commissaire-priseur:
- être attentif dès le départ : « Vous avez plus de chances de faire une bonne affaire en début de vente, quand les acheteurs ont besoin de se chauffer un peu, ou après une adjudication importante, quand la tension baisse d’un cran » ;
- garder son sang-froid : « Ne jetez pas votre dévolu sur un seul objet. Repartir les mains vides est très frustrant, et on achète souvent n’importe quoi par défaut. Renseignez-vous sur deux ou trois autres œuvres en amont de la vente, sur lesquelles vous pourrez vous rabattre. C’est souvent ainsi que l’on fait les meilleurs achats » ;
- succomber, parfois : « Si un objet vous plaît vraiment et qu'il est exceptionnel, n’hésitez pas à dépasser la limite que vous vous étiez fixée. Pour bien acheter, il faut savoir casser sa tirelire de temps en temps ».

A distance

Et si vous ne pouvez pas venir à la vente? Plusieurs solutions s’offrent à vous :
- confier un ordre d’achat : le commissaire-priseur ou un collaborateur prend votre ordre avant le début de la vente. Indiquez-lui le montant maximal auquel vous souhaitez enchérir, et vous serez représenté lors des enchères ;
- enchérir par téléphone : un collaborateur de la maison de vente, en salle, vous appelle peu avant le passage aux enchères du lot qui vous intéresse pour que vous enchérissiez en direct ;
- enchérir via Internet : les ventes aux enchères sont souvent retransmises en direct. En créant un compte sur une plateforme sécurisée comme Interencheres ou Drouot online, vous pouvez participer à la vente mais aussi placer un ordre
d’achat. Attention, ces plateformes génèrent des frais, jusqu’à 4% du montant de l’adjudication, à ajouter à ceux de la maison de vente.
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