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Un peu de chaleur sociale

Samedi 18 octobre 2014

Cette semaine un lecteur de la région parisienne nous fait parvenir la photographie d’un poêle dont il souhaite connaître la valeur. Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, lui répond.

S’il est un ennemi contre lequel l’Homme a, depuis la nuit des temps, mené une lutte acharnée, c’est bien le froid. Le froid est synonyme de maladie, entraînant trop souvent la mort. Imaginez donc la joie d’Homoerectus qui domestique le feu il y a 400 000 ans ! Le fait est qu’une grotte enfumée, péniblement chauffée à l’aide d’un feu de camp, ne doit pas être très confortable… Et c’est peut-être ce à quoi ont songé les Grecs lorsqu’ils inventent le chauffage par le sol. Nous passerons ici sur les nombreuses tentatives d’améliorer la cheminée qui chauffe parfois moins qu’elle n’enfume… Et ce, même à Versailles où des récits nous présente un château vivant dans une purée de pois tout l’hiver et où les potages arrivent glacés à la table du Roi. C’est pourquoi, au XVIIIème, on a souvent associé des poêles en faïence à l’âtre. Au XIXème, les propriétés physiques de la fonte la désignent à devenir le matériau de prédilection pour la fabrication des poêles.

C’est le cas pour celui de notre lecteur.De forme arrondie, il doit mesurer entre 50 et 60 cm de haut. En partie supérieure, un couvercle ajouré découvre une trappe permettant son alimentation en bois ou charbon. En façade, une porte munie de deux hublots permet le nettoyage de la cendre. Ce poêle est entièrement recouvert d’émail couleur prune qui le protège de la rouille. Appareil fixe car particulièrement lourd eu égard au poids élevé de la fonte, il nécessite un conduit d’évacuation de la fumée à l’arrière. Datant assurément d’après-guerre, a priori des années 60, il n’a malheureusement pas le charme et l’attrait esthétique de ces ancêtres de la fin du XIXème. Même en état de marche, sa valeur est très symbolique, autour de 50 €. Ce type de poêles est encore commercialisé de nos jours à partir de 500 €.

En revanche, il a une histoire à raconter, celle de l’entreprise où il est né : Godin. Son fondateur installe à Guise (Aisne),en 1846, une usine d’appareils de chauffages en fonte. Il fait fortune et fonde, à deux pas de l’usine l’un des lieux les plus importants de l’histoire économique et sociale des XIX et XXème siècles : le familistère de Guise.Dans cette cité de 2 000 habitants, Godin souhaite améliorer les conditions de logement et de vie de ses ouvriers et de leur famille. Ce que la bourgeoisie s’offre avec de l’argent, les « familistériens » l’acquièrent par la coopération. Cinq pavillons d’habitation, un lavoir, un jardin, une école, des magasins, un théâtre, une bibliothèque et même une piscine sont autant « d’équivalent de richesse» pour les ouvriers. L’hygiène, l’éducation, et la protection sociale ajoutées à cela font de ce lieu un «palais social » tout-à-fait exceptionnel.
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