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Une toile de Monet bientôt en vente en Touraine

Mercredi 17 mars 2021

Magazine.interencheres.com, Diane Zorzi

Les commissaires-priseurs de la maison de ventes Rouillac ont dévoilé leur plus belle découverte de l’année : une vue de Dieppe de Claude Monet. Confiée par un amateur japonais, la toile sera vendue aux enchères le 6 juin au Château d’Artigny, près de Tours.


Le 8 mars dernier, Aymeric et Philippe Rouillac annonçaient l’arrivée en Touraine d’une caisse mystérieuse, renfermant un trésor fraîchement débarqué du Japon. Deux jours plus tard, le contenu de l’empaquetage est révélé en avant-première lors d’une conférence de presse au musée des Beaux-Arts de Tours. Le trésor n’est autre qu’une toile signée du père de l’impressionnisme, Claude Monet (1840-1926). Datée de 1882, elle dévoile une vue de la ville de Dieppe, peinte lors d’un séjour sur la côte normande.

Une vue de Dieppe de 1882

« Lorsqu’il réalise cette toile, Monet est âgé de 41 ans et traverse une grande crise personnelle et familiale », explique Aymeric Rouillac. Le peintre pleure la disparition de sa chère et tendre, Camille, tandis que ses soucis financiers le contraignent à quitter Paris où il ne peut plus s’acquitter de son loyer. Il s’installe alors à Poissy avec l’épouse de son mécène, Alice Hoschedé, et leurs enfants respectifs – un concubinage illégitime scandaleux pour l’époque. « Acculé, Monet prend ses couleurs et se retire au bord de la mer, à Dieppe, où il a déjà passé plusieurs étés et où il se sent comme un enfant du pays. Dieppe est alors la ville portuaire à partir de laquelle on embarque pour gagner l’Angleterre. Il y peint deux toiles en février 1882, avant de rejoindre les côtes rocheuses de Pourville. »
Monet livre ici une vue générale de Dieppe, représentée en plongée depuis l’entrée ouest. Au premier plan, un personnage chemine, invitant le spectateur à dépasser les murs du château qui barrent l’entrée du village. Entourée de bâtiments civils, l’église gothique Saint-Jacques s’élève au centre, non loin du clocher d’ardoise de la nouvelle église Saint-Rémy. Le port quant à lui se devine à l’arrière-plan, sous un halo brumeux. « La touche fluide et vive en camaïeu de bleu est rehaussée de coups de brosse dans des tons verts, jaunes et rouges. Les traits de pinceau sont brossés, la peinture n’est pas finie ou léchée. Monet nous livre ici une véritable synthèse de sa démarche impressionniste. »

La quintessence de l’impressionnisme

Avec cette toile, le geste du peintre s’affirme dans sa plus grande spontanéité. La touche nerveuse se fragmente pour faire entrer la lumière et saisir l’impression colorée fugace perçue devant le motif. Monet ne cherche pas à représenter scrupuleusement la ville qui se déploie sous ses yeux, mais la manière dont la lumière et les variations de l’atmosphère interagissent et métamorphosent l’environnement qui l’entoure – les formes s’estompent et les touches suivent le rythme. « Cette toile s’inscrit dans la période faste des expositions impressionnistes, durant laquelle Monet s’affirme comme le maître du mouvement », détaille Philippe Rouillac. En mars 1882, Monet envoie plusieurs toiles pour la quatrième exposition impressionniste. C’est la dernière fois qu’il participera aux accrochages du groupe. S’ouvre alors une période faste durant laquelle Monet bénéficie du soutien de son marchand Paul Durand-Ruel qui lui permettra, jusqu’à la fin de sa vie, de vendre ses toiles jusqu’aux Etats-Unis.

Un événement sur le marché français

Resté dans la famille de l’artiste après sa mort, le tableau fut dévoilé pour la première fois au public en 1940, à l’occasion du centenaire Monet à Paris. Il demeura ensuite un demi-siècle aux Etats-Unis, où il fut exposé notamment au Museum of Modern Art (MoMA) de New York et au Los Angeles County Museum, avant de rejoindre les collections d’amateurs suisse puis japonais. « Bien que Monet soit l’un des plus grands peintres français, il est extrêmement rare de le retrouver aux enchères en France, commente Aymeric Rouillac. Sur quatre cent cinquante toiles vendues depuis 2010 dans le monde, seules quatorze, à l’exception de fragments et de petites études, l’ont été en France. Habituellement, les collectionneurs français doivent se déplacer aux Etats-Unis ou en Angleterre pour acquérir ce genre de très bonnes toiles. C’est donc une opportunité formidable pour la France ». Les Rouillac n’en sont pas à leur premier coup de maître. En 1999, Philippe Rouillac avait ainsi défrayé la chronique en vendant aux enchères l’une des plus belles Vue d’Etretat de Monet pour la somme alors record de 16 millions de francs. Cette Vue de Dieppe sera quant à elle mise à prix symboliquement à un million d’euros le 6 juin prochain, dans le cadre de leur 33e vente Garden Party organisée au Château d’Artigny, en Touraine. « Nous espérons bien sûr que ce tableau soit acheté par une collectionneuse ou un collectionneur français, mais la compétition est ouverte… »
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