FR
EN

Il y a Gallé… et Gallé

Samedi 27 février 2021 à 07h

Cette semaine, Baptiste nous fait parvenir la photographie d’une lampe. Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, partage son avis.



Émile Gallé (1846-1904) est le parangon d’un mouvement qui émerge dans les années 1890 : l’Art Nouveau. Celui que ses contemporains surnomment « l’homo triplex » est un maître incontesté de l’art du bois, de la céramique et du verre.
Contre l’industrialisation à outrance, contre une esthétique utilitaire et rectiligne, des artistes prônent le retour à la couleur, à la courbe à la nature. Les bouches de métro d’Hector Guimard et les vases d’Émile Gallé figurent probablement en France, comme les réalisations les plus emblématiques de cette époque.

La lampe de Baptiste prend la forme d’un pied balustre sur lequel est posé un abat-jour de la même matière. Il s’agit de verre jaune probablement réalisé en pâte de verre. Cette technique consiste à mouler à froid la matière et à la solidifier lors de la cuisson. C’est le verrier Henry Cros, dont les plus belles réalisations sont admirables au musée des arts décoratifs de la ville de Paris, qui est le grand maître de cette technique.

À notre connaissance on ne connaît en revanche aucune pâte de verre d’Émile Gallé. La « pâte de verre Gallé » comme on l’entend parfois est un usage impropre. L’Homo triplex était pour sa part coutumier de la technique du verre multicouche dégagé à l’acide. Il s’agit de juxtaposer des couches de différentes teintes et de dessiner les motifs en sculptant le verre avec un abrasif. Cette façon permet à l’artiste d’obtenir de subtiles nuances ou au contraire de vifs contrastes. Les plus belles réalisations de Gallé offrent aux caresses des reliefs acérés et des courbes lisses, parfois les vers d’un poème…
Daum, Gallé, Tiffany les grands artistes de cette période se sont illustrés dans la réalisation de lampes champignons. Avec son pied et son abat-jour en verre la lampe de Baptiste reprend un modèle emblématique de l’époque. Daum en a produit en pâte verre, Tiffany en verre mosaïqué et Gallé en verre multicouche. Comme on l’a expliqué la signature de l’œuvre de notre lecteur ne correspond ni au style ni à la qualité des œuvres de Gallé.

Parmi ses autres passions le génie de l’Art Nouveau affectionnait la botanique dont il livrait des représentations fidèles dans sa verrerie. La fleur qui figure sur notre lampe ressemble à une primevère de couleur bleue. Dernier élément de notre expertise, il ne s’agit pas d’un motif fréquent dans son œuvre.
L’Art Nouveau suscite depuis son origine passions et rejets, enchainant périodes de mode et de désaffection. Comme souvent lorsque la côte est au plus haut, les contrefaçons pullulent. On connaît des copies tchécoslovaques d’Émile Gallé d’assez bonne qualité que l’on distingue à la petite marque « tip » qu’ils dévoilent. En ce qui concerne l’objet de notre lecteur, la qualité de la copie est inférieure.

On peut ainsi estimer la lampe de Baptiste entre 100 et 200 euros alors que pour un modèle authentique de Gallé on dépasse souvent les 5000. Ces lampes révèlent toute leur beauté une fois allumées, lorsque la lumière passe à travers le filtre du verre, comme jaillissante d’un Art Nouveau…
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :