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Pour le meilleure et pour l'empire

Samedi 04 octobre 2014

Cette semaine, un lecteur de Meslay s’interroge sur la valeur d’un meuble de famille puisqu’il s’agit d’une « petite table (…) reçue d’une grand-mère ». Maître Philippe Rouillac, commissaire-priseur, lui répond.

Cette semaine, un lecteur de Meslay s’interroge sur la valeur d’unmeuble de famille puisqu’il s’agit d’une « petite table (…) reçue d’une grand-mère ». Maître Philippe Rouillac, commissaire-priseur, lui répond.

En 1861 est lancé à Paris un chantier colossal : celui du futur Opéra. Lorsque Charles Garnier, l’architecte, présente les plans au couple impérial, l’Impératrice Eugénie, amatrice d’Art, lui aurait demandé de quel style était cet édifice. Garnier, en bon courtisan, lui répond : « Madame, c’est du NapoléonIII ! ». Impossible de qualifier autrement les productions mobilières et immobilières qui naissent en France sous le Second Empire. Las d’un style Louis-Philippe essoufflé, les artisans de cette époque vont aller puiser ce que bon leur plaît dans les styles passés. Et ce, sans limite temporelle, empruntant de l’Antique au style Empire en passant par le gothique et laRenaissance, sans oublier les styles Louis XIV, Louis XV et Louis XVI !C’est ce que l’on nomme l’éclectisme. Éclectisme qui amène bien souvent la somptuosité dans une surabondance d’ornements, de matières, de sculptures et de dorure. Cet art ostentatoire a pour but de renouer avec le faste du Ier Empire.Neveu de l’Empereur Napoléon Ier, Napoléon III veut une Cour clinquante où la richesse doit être visible… jusqu’à parfois devenir indigeste. Eugénie, protectrice des Arts, préfère à la pompe poussée à son extrême, les lignes architecturées et l’ornementation raffinée du style Louis XVI. Sous l’impulsion de cette admiratrice de Marie-Antoinette, on va non seulement faire copier meubles et objets de cette époque, mais également les faire restaurer. Voilà qui fait dire à Prosper Mérimée :
«Le Louis XVI-Impératrice pénètre dans tous les intérieurs élégants (…). Elle en meuble ses appartements privés (…) où les chefs-d'œuvre (…) de Riesener, voisinent sans vergogne avec (…) les poufs capitonnés».

Le petit meuble de notre lectrice estune table dite« travailleuse » en placage de noyer et ornée de marqueteries florales. Mesurant 72 cm de haut pour 55 de large, elle ouvre par un abattant qui doit certainement découvrir un intérieur compartimenté. Elle repose sur quatre pieds cambrés en bois noirci réunis par une tablette d’entretoise. L’ensemble est agrémenté de garnitures en bronze (ou en laiton) doré telles que frises, chutes feuillagées et entrée de serrure. Cette table est exclusivement réservéeà la gente féminine. Ces dames y rangent leurs ouvrages de broderie et couture ainsi que le matériel nécessaire à leur confection. La forme rectangulaire à pans coupés du coffre et de la tablette est inspirée du style Louis XVI. La marqueterie florale, en particulier le panier fleuri, rappelle pleinement le goût de la seconde moitié du XVIIIème. En revanche les pieds jurent quelque peu… Bien que leur courbure peut évoquer le style Louis XV, il est difficile de les rapprocher d’une époque en particulier.

Cette table travailleuse présente bon nombre de caractéristiques du style Napoléon III et date bien de la seconde moitié du XIXème. Elle ne meublait malheureusement pas le boudoir de l’Impératrice Eugénie, étant d’une qualité d’exécution intermédiaire. Si sa jolie marqueterie est en bon état, elle peut être estimée autour de 120 €.
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