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Une poupée germano-japonaise en Vendômois

Samedi 30 janvier 2021 à 07h

Cette semaine, Evelyne, nous fait parvenir la photographie d’une poupée. Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, partage son avis.



Avec son kimono à la ceinture rose, son teint clair, ses cheveux noirs et ses yeux en amande, la poupée de notre lectrice est un bébé asiatique. Or elle ne vient pas directement du Japon. Son fabriquant est un allemand d’origine russe, qui partage son nom avec celui de la cité phocéenne... Une ascendance cosmopolite ! Armand Marseille, dont le sigle se présente sous les initiales « A.M » est l’un des plus importants producteurs de poupées de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. Excellent industriel, il rachète plusieurs fabriques de poupées déjà existantes pour multiplier les modèles et produire toujours plus. Ses usines sont capables de réaliser en une seule journée jusqu’à mille têtes en porcelaine.

En raison d’une meilleure industrialisation, les fabricants allemands de la région du Sonneberg en général et Armand Marseille en particulier, vont finir par détrôner les français sur le marché de la poupée en Europe et aux États-Unis. Ils réduisent les coûts de production et par conséquent les prix de vente. Ceci n’empêche pas de proposer un catalogue varié pour séduire les petites filles, comme en témoigne ce bébé japonais qui côtoie fillettes blondes aux yeux bleus et poupons métissés.

Pour la réalisation de ce modèle, il n’est pas impossible qu’Armand Marseille se soit inspiré, outre les caractéristiques physiques d’un enfant japonais, de la production traditionnelle des kokeshi. En bois et travaillées au tour par les familles nippones au cours de l’hiver, ces poupées cylindriques sont tout un symbole. Lorsqu’elles sont offertes, amour et fertilité sont invoqués. Leur arrivée en Europe n’est pas sans lien avec l’ouverture progressive du Japon à l’Occident. Isolé à partir de 1650 après l’expulsion des missionnaires chrétiens, de la fermeture des ports aux navires étrangers et de l’interdiction pour les japonais de quitter ou d’entrer le territoire sans autorisation, le Japon met un terme à la politique du sakoku à la fin de la période Edo. L’ère Meiji (1868-1912) est symbole d’ouverture ! Partant, les styles et traditions du soleil levant sont des sources d’influence pour les arts décoratifs en Europe. D’ailleurs, un véritable courant vient à naître : le japonisme. Cette poupée en est une lointaine héritière.

Les plangonophiles – nom savant pour désigner les collectionneurs de poupées – sont particulièrement attentifs aux caractéristiques des pièces qu’ils acquièrent. De façon très générale, les bouches fermées sont préférées. En conséquence, le numéro du moule est primordial pour identifier un modèle. Aussi, le bon état de conservation est un critère absolu. Pour s’en assurer, il est préférable de décoller la perruque si cela est possible. Vous pourrez détecter à l’œil nu ou avec l’aide d’une torche électrique la présence de « cheveux » qui sont naturellement un frein à l’achat. Les vêtements d’origine et la boîte sont toujours un plus. Pour cette poupée germano-japonaise, nous pourrions donner une estimation entre 100 et 200 euros, à préciser en fonction de son état et de son numéro.
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