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Les trésors du traducteur de Borges aux enchères

Vendredi 08 janvier 2021

Sud Ouest, David Patsouris

Une partie du mobilier de la maison audengenoise de Jean-Pierre Bernés, ami, traducteur et éditeur du grand écrivain argentin Jorge-Luis Borges sera vendue aux enchères le lundi 25 janvier. Crédit photo : Archives Sud-Ouest.

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Le lundi 25 janvier, une partie du mobilier de la chartreuse audengeoise de Jean-Pierre Bernés sera mise aux enchères par Me Rouillac. Jean-Pierre Bernés était l’ami, le traducteur et l’éditeur du grand écrivain argentin Jorge-Luis Borges. Sa maison, à Audenge, regorgeait de trésors, patiemment rassemblés par cet homme qui vivait comme au XVIIIe siècle et qui est mort, cet été, dans l’indifférence sur le bassin d’Arcachon

Bienvenue dans un monde disparu. Le lundi 25 janvier, le commissaire-priseur Me Rouillac, mettra aux enchères une partie du mobilier de la "Chartreuse" audengeoise de Jean-Pierre Bernés. Ce monde a disparu parce que Jean-Pierre Bernés est mort le 13 juillet 2020, dans l’indifférence, sur le bassin d’Arcachon et parce qu’avec lui, un art de vivre français a aussi sombré dans l’oubli.

Cet homme qui fut enseignant à l'Ecole normale supérieure, professeur de littérature à la Sorbonne et attaché culturel à Buenos Aires, habitait à Audenge, dans une chartreuse tout à fait remarquable dont il avait façonné l'intérieur comme un musée.

Hors de notre temps

Entre ces murs épais, Jean-Pierre Bernés vivait comme au XVIIIe siècle. Dans la salle où il recevait, il n'y avait que des bougies. Son bureau était éclairé par une lampe à pétrole. Et sa vie par la figure du grand écrivain argentin Jorge-Luis Borges. Il fut son ami, son traducteur, son commentateur et son éditeur dans les éditions de La Pléiade, aui rassemblent, pour Gallimard, tous les écrivains dont les œuvres traversent les siècles et les siècles.

Jean-Pierre Bernés était un homme hors du temps. Hors de notre temps. Né à Beyrouth, il est arrivé avec sa famille à Audenge à l'âge de 18 mois. Puis il y a vécu seul. Enfin non, pas seul, aux côtés d'Amanda, sa "vieille gouvernante" aveugle. Dans la chartreuse, elle disait en parlant de lui :

"Ce pauvre monsieur est un saint, il est devenu le cuisinier de sa cuisinière..."

Elle l'avait suivi partout, y compris à Buenos Aires, de 1975 à 1979.

Jean-Pierre Bernés était plus connu en Argentine ou à Paris qu'à Audenge. "Mes parents m'interdisaient de jouer avec les petits Audengeois" nous avait-il raconté un jour de juillet 2010. Ce même jour, il avait tout résumé en une phrase :

"Je vis dans un autre monde, je suis installé dans l'éternité".

C'est dans cette intime éternité qu'a été invité Me Philippe Rouillac, grand commissaire-priseur français ("Nous avons treize ventes millionnaires!") par la famille sur les recommandations du défunt. Si la Chartreuse a été vendue peu de temps après le décès de Jean-Pierre Bernés, il nous la fait visiter en vidéo.

Philippe Rouillac est chargé d'en vendre le mobilier.

"J'avais souhaité faire la vente dans la chartreuse, mais cela n'a pas été possible, explique-t-il. Plus que des choses, c'est l'art de vivre de Jean-Pierre Bernés qui est mis aux enchères, une atmosphère, une ambiance. L'ensemble est la construction de toute une vie. En entrant chez lui, vous le retrouviez. C'est assez rare dans notre métier..."

Alors que trouve-t-on dans cette vente ? Par exemple le lot 358 : un service de 28 pièces aux armes impériales tsaristes de la famille des Romanov que Jean-Pierre Bernés réservait pour les dîners aux chandelles avec ses amis.

Justement, il y a aussi un lustre à bougies qui éclairait la salle où l'on dînait, estimé entre 1500 et 2000 euros. C'est un lustre en verre de Venise, "blanc et polychrome, à pampilles et pendeloques, trois couronnes comprenant vingt bras de lumière, dix bras dans la partie inférieure, cinq en partie intermédiaire, cinq dans la partie supérieure fixés dans des bassins. Les couronnes intermédiaire et supérieure composées d'environ vingt-et-une fleurs épanouies et trois feuilles de palmes."

Philippe Rouillac explique que beaucoup de choses sont accessibles dans cette vente, des paires de bougeoirs ("aux garçons agenouillés à longues queues"), un miroir en bois sculpté à 50 euros, des assiettes à 30 euros, mais aussi une sellette guéridon en bambou à deux plateaux en porcelaine à scène asiatique à 150 euros, des tapis de 50 à 1500 euros, en passant par des plats pouvant être mis aux enchères entre 300 et 500 euros.

Après la porcelaine et la faïence et le mobilier, le commissaire-priseur a prévu d'autres ventes avec ce qui a appartenu à Jean-Pierre Bernés, de l'argenterie et les arts de la table le 15 février puis des tissus le 13 avril.
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