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La folle histoire du médaillon de Louis XIV !

Lundi 28 décembre 2020

Ouest France, Brigitte Saverat-Guillard

Jacky Lorant, ému à l’issue de la vente, en compagnie de Philippe Rouillac et Aymeric Rouillac.
Jacky Lorant, ému à l’issue de la vente, en compagnie de Philippe Rouillac et Aymeric Rouillac.

Mon moment fort de 2020. Couvrir la vente aux enchères du médaillon de Louis XIV ne m’emballait pas plus que ça. Avant de me laisser entraîner par cette folle histoire.

« Télétravailleuse ce dimanche 4 octobre, je dois suivre une vente aux enchères à distance. Ordi branché sur la retransmission, ne reste plus qu’à patienter en feuilletant le catalogue, envoyé par la maison Rouillac.

Le médaillon porte le numéro 48. Avant lui, défileront porcelaines chinoises, bronzes et meubles authentiques, une Vierge à l’enfant... Tiens, une aiguière. Vous saviez, vous, qu’elle servait à se laver les mains avant le repas, déjà dans l'Antiquité ? Mais ne nous dispersons pas. Déjà arrive le lot 28. Dans la famille Rouillac, on se transmet la passion du marteau, et quand le père raconte « l’ivresse de Loth accompagné de ses filles dans une grotte avec, en arrière-plan, les villes de Sodome et Gomorrhe», le tout dans une assiette en émail peint, fin XVIe début XVIIe de François Guibert, je m’inquiète. Qu'est-ce que je vais pouvoir raconter ? Le papier est attendu le soir-même, et d'ailleurs ça donne quoi, une photo de l’écran de mon ordi portable ? Humm, pas si mal...

14 h passe, 15 h lasse - Je n'ai pas un euro à enchérir - 16 h, je frôle l’endormissement devant l’écran, et puis soudain tout s'accélère. C’est qu’on ne vend pas une boîte à portrait de Louis XIV comme on vendrait, je ne sais pas moi, un lit d’apparat dit Henri III, du château d’Amboise, fusse-t-il exceptionnel ! Non ! Pour le médaillon, Lully a convoqué le Bourgeois gentilhomme, et pour le fun, l’effet boule à facettes déploie des trésors de couleurs.

Nous voilà projetés 300 ans en arrière -1696 exactement - et à bord du Saint-Esprit. Depuis quatre ans, Louis Porée, corsaire malouin - enfin, mélorien - défend Saint-Malo, contre les Anglais et les Hollandais. Il capture pas moins de vingt-sept navires, ce qui lui vaudra une boîte à portrait à l’effigie de Louis XIV, qui adore les diamants. Celle-ci en compte vingt. Rarissime. Trois seulement sont réperto riées, intactes, sur quatre cents qui furent offertes, durant son règne, par le Roi Soleil. Une en Italie, dans un musée de Bologne. L'autre au Louvre, acquise 481 000 €, lors de la succession Yves Saint Laurent. Et il faudrait laisser partir celle-ci, en Angleterre ou aux États-Unis, où des acheteurs sont intéressés ?

Mise à prix 50 000 €, la Ville prévoyait 30 000 de plus, mais très vite le cours du Roi s'est envolé. 100 000 €, 230 000 €, 370 000 €, 480 000 €, la dernière main lâche 500 000 €. « Qui êtes-vous ? », s'enquiert Philippe Rouillac. Un peu sonné, Jacky Lorant, « Français, Breton, Malouin », apparaît à l’écran.

Le papier, lui, « sortira » tout seul. L’émotion. Parce que ce que vous nous avez fait vivre là, Monsieur, est énorme. Un truc rare, entre nous. Franchement, vous en connaissez beaucoup, vous, qui lâcheraient une telle somme pour un objet dont vous avez dit vous-même qu’en la matière, vous n'y connaissiez rien ? Grâce à vous, le médaillon est resté malouin. Grâce à vous, nous serons nombreux, promettez-vous, à en profiter.

Ce soir-là, Lully, la perruque du Roi et votre coup de maître m'ont suivie jusque dans mon sommeil, peuplé de diamants, de gens de cour et de frappes de marteau. « Qui dit mieux ? » 500 000 €. La somme m'a réveillée en sursaut au milieu de la nuit, angoissée : « J’ai dû me tromper ». Obligée de me lever pour aller vérifier et puis non. 500 000 €, c’est bien cela. Énorme... ».
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