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Ca trompe énormément...

Samedi 19 juillet 2014

Cette semaine, un lecteur de Pierrefitte-sur-Sauldre nous fait parvenir la photographie d’un vase qu’il a découvert à l’occasion de son déménagement. Maître Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, lève le voile.

Ce vase de forme tronconique à col chantourné mesure 29 cm de hauteur pour 19 cm de diamètre avec deux anses en forme de tête d’éléphant. Le corps teinté rouge et vert est richement orné de scènes dites « de palais » sur fond paysagé figurant un torrent de montagne. La base soulignée d’une frise végétale circulaire repose sur un socle à l’imitation du bois sculpté. Un rapide coup d’œil ne laisse aucun doute sur le style extrême-oriental de cette pièce. Cette pièce n’est pas sans rappeler les ivoires dits « de Canton ». Sculptés en Chine avec une grande dextérité, nombre d’entre eux sont exportés en Occident via le port de Canton entre la fin du XVIIIe et le début du XXe. Mais un doute plane sur le matériau…Cette couleur crème et mate élimine d’office la porcelaine. Les matériaux de cette teinte que l’on peut sculpter pour donner naissance à des objets de grande taille - comme c’est le cas ici - ne sont pas légion.

En réalité il n’ existe qu’un : l’ivoire. Mais quelque chose cloche. L’Homme sculpte et taille l’ivoire depuis la Préhistoire. Surnommé l’or blanc, ce matériau a toujours revêtu un caractère précieux, luxueux, rare. On l’a donc employé le plus souvent pour des objets prestigieux, liturgiques notamment, d’une grande finesse. Sa couleur est en outre très appréciée. On ne peut donc que s’étonner face à la sculpture gauche et « molle » de ce vase. De plus, cette peinture verte et rouge, appliquée sans aucun soin ni aucune considération esthétique est tout bonnement abominable ! Ce n’est donc certainement pas de l’ivoire mais une imitation. Toute chose convoitée, et qui plus est interdite, donne naissance à des copies parfois faites pour tromper. Pour l’ivoire, on utilise des matériaux naturels comme l’os, les graines de certaines plantes, ou encore l’ivoire fossile de mammouth ! Mais également des produits de synthèse à l’image du celluloïd né vers 1870 afin de se substituer à l’ivoire pour les boules de billard. La résine est également largement utilisée, comme l’ivoirine qui est un mélange obtenu à partir de poudre d’ivoire et de résine. Une seule technique pour différencier l’ivoire du plastique : une aiguille chauffée à blanc que vous piquer sur la matière. Si elle s’enfonce ce n’est pas de l’ivoire.
Le test de l’aiguille ne pourra que confirmer notre mauvais pressentiment quant au vase de notre lecteur qui est certainement fait de résine moulée. Datant de la première moitié du XXe, il sera difficile d’en obtenir plus de 10 € en brocante.
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