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Un meuble taillé dans le marbre de Louis XIV

Samedi 19 décembre 2020 à 07h

Cette semaine, Isabelle nous fait parvenir la photographie d’une console. Me Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, nous donne son avis.



Parmi toutes les carrières de marbre du monde certaines apparaissent comme de véritables cadeaux de la nature. Le marbre de Carrare en Italie, est peut-être le plus célèbre de tous. Il est apprécié depuis l’antiquité pour sa parfaite blancheur qui en a fait la matière de prédilection des sculpteurs. Les caractéristiques physiques et plastiques d’une pierre ont des conséquences sur son emploi. Aussi, des roches plus dures, plus démonstratives et moins neutres, ont eu un usage plus décoratif.

Louis XIV aimait les pierres, toutes les pierres. Les joyaux de la couronne, comme ses gemmes montées, sont aujourd’hui présentés dans la galerie d’Apollon du Louvre. Il appréciait également les marbres dont il couvrait ses meubles. À Versailles, les lambris et les cheminées recouverts de cette précieuse matière forment de véritables tableaux. Parmi eux, le rouge du Languedoc et le marbre Portor sont probablement les deux essences qu’il préférait.

La console de notre lectrice semble faite de cette deuxième matière : une sorte de marbre noir veiné de pyrite doré, semblable à de l’or dont elle tire son nom. On appelle parfois, par analogie « portargent » les marbres noirs aux veines argentées. Comme le marbre de Carrare on extraie le Portor en Italie, dans les Apennins sur la côte génoise. Rare, et très employé depuis l’antiquité, il est aujourd’hui très cher. La qualité de la photo d’Isabelle ne nous permet pas de nous prononcer sur l’origine du plateau qui ne semble pas issu de la même carrière…à vérifier.

La console est une sorte de demi-table posée contre un mur. C’est un type de meuble très ancien, plus ancien que la commode qui n’apparaît qu’à la fin du règne de Louis XIV. Elle sert à la fois de desserte et de support décoratif. Son piètement n’est qu’un appui au sol qui permet de maintenir la tablette à l’horizontal. En observant la console d’Isabelle on est surpris par la massivité du piètement et la finesse du plateau. Si on y ajoute la différence de couleur, on peut conclure que les parties basse et haute ne sont pas nées ensemble. Le plateau de marbre n’est pas celui d’origine.

Le Portor est ici taillé pour former un pied à enroulement, semblable à une clef de Fa, on l’appelle pied en console. Avec le pied en gaine, plus rigide, ils sont des classiques du grand style Louis XIV. Ils reposent sur une plinthe et se terminent en griffes de lion. On ne peut pas penser qu’il puisse s’agir d’un travail véritablement ancien, la sculpture du marbre manquant de finesse et de souplesse dans l’exécution. Pour en avoir le cœur net il faut observer physiquement le marbre, ou plutôt, le caresser... Les outils utilisés par les artisans ont beaucoup évolués depuis la révolution industrielle. La scie circulaire moderne ne laisse pas les mêmes marques dans la matière qu’un travail acharné par multiplication de coups de burin. Plus qu’un œil avisé, une main habituée à cette matière merveilleuse saura confirmer l’impression de départ.

Une véritable console Louis XIV en bois doré coiffée d’un plateau de marbre Portor peut facilement dépasser les 30.000 euros, toutefois celle d’Isabelle peut être estimée plus raisonnablement autour de 800 euros. Les montants de cette console peuvent avoir une destination d’origine bien différente. Flanquée de part et d’autre d’un âtre ils pouvaient constituer le décor louis-quatorzien d’une cheminée plus moderne…par laquelle le père Noël descendra dans quelques jours !
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