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Arts et design, pleins feux sur le XXe siècle

Vendredi 27 novembre 2020

La Gazette Drouot, Caroline Legrand

Cette vente aborde « Les Modernités » avec notamment Marc Chagall, « L’Âge d’or des décorateurs » avec Ruhlmann, mais aussi celui de l’après-guerre avec Charlotte Perriand, entre autres.

Le « Riesener de l’art déco » fait encore l’événement ! Qui saurait résister à l’élégance sobre et au luxe de cet argentier ? Pas Félix Marcilhac en tout cas : l’expert a en effet compté dans sa collection personnelle ce meuble réalisé vers 1934 par Jacques-Émile Ruhlmann. Il en a d’a ailleurs fourni le certificat d’authenticité, qui sera remis au futur acquéreur : « OEuvre authentique […] réalisée en palissandre, variante du modèle spécialement créé et conçu en bois de violette par l’artiste pour Van Beuningen en 1931, portant le numéro 2136 du référencier de Ruhlmann ». Une création parfaitement connue et référencée, qui fut acquise par la suite par Pierre et Jocelyne Noury, un couple de promoteurs immobiliers et collectionneurs rennais. C’est une partie des meubles et objets d’art d’époque art déco de leur collection qui sera dispersée lors de cette vente. Dans les années 1980, ils ont commencé à bâtir leur ensemble avec un secrétaire de Jules Leleu en placage de palissandre des Indes, daté vers 1940 (2 000/3 000 €), poursuivant avec une armoire basse du même ébéniste en placage d’érable (même estimation) puis une table de vendeuse « Orsay », réalisée vers 1923 par Louis Süe et André Mare en ébène de Macassar (5 000/8 000 €).

Durant des décennies, ils ont arpenté les routes de France à la recherche de nouveaux trésors art déco. C’est lors d’un déplacement professionnel à Paris que Pierre Noury a découvert dans une vitrine de la rue Bonaparte cette immense enfilade. Il sera rapidement de retour avec son épouse dans la capitale, afin d’acheter dans la galerie de Félix Marcilhac cet argentier de Ruhlmann. Voici un exemple des plus parlants de la manière entre tradition et modernité chère au grand décorateur, passionné par le mobilier d’époque Louis XVI ou Directoire après avoir assisté à la vente de la collection Doucet, en 1912. Les nouveautés de son siècle l’inspiraient aussi, comme en témoigne le piétement en plinthe s’achevant en deux volutes sphériques, qui font songer aux cercles des Rythmes de Robert Delaunay. La forme en enfilade et la hauteur d’appui typique évoquent encore l’époque Louis XVI, de même que le sublime placage en précieux palissandre des Indes, tandis que les serrures au profil moderne sont semblables à celles réalisées pour d’autres créations en collaboration avec Jan et Joël Martel. Une association des styles toujours parfaitement équilibrée.

SAMEDI 5 DÉCEMBRE, VENDÔME. ROUILLAC OVV.

SÉRUSIER

Tout l’univers onirique de Paul Sérusier (1864-1927) est résumé dans Les Licornes, toile signée et datée 1913 (60 x 81 cm), ici annoncée à 60 000/80 000 €. Un personnage à la fois mage et berger est entouré de trois licornes dans un paysage aux couleurs pures et vives prisées des nabis. Un dessin préparatoire accompagnera par ailleurs cette oeuvre. Sérusier s’est installée définitivement en 1906 à Châteauneuf-du-Faou, dans cette Bretagne profonde qui l’inspire tant, celle des contes et légendes inspirés du Moyen Âge. On sait aussi que le peintre admirait particulièrement, au musée de Cluny, la célèbre Dame à la licorne du XVIe siècle…

LE BOURGEOIS

Estimé 65 000/85 000 €, ce Lion en marche (38 x 76,5 x 18,5 cm) a été réalisé vers 1920-1925 par Gaston Étienne Le Bourgeois (1880-1956). Le sculpteur animalier d’époque art déco aimait travailler le bois en taille directe, comme pour ce félidé. Il collabora avec des décorateurs tel Ruhlmann, mais aussi avec plusieurs industriels du textile, comme Jacques Doucet et François Ducharne. C’est pour la salle à manger de ce dernier qu’il a livré vers 1923 un lion en bronze, dont notre oeuvre pourrait être une première version. Provenant d’une collection particulière suisse, elle a pu traverser les Alpes avec le sculpteur, qui travaillait à Loèche-les-Bains et à Sion, ou par le biais de sa fille Suzanne, partie vivre dans le Valais.

CHAGALL

Pas moins de 280 000/320 000 € seront à envisager pour décrocher cette huile et encre de Chine sur toile peinte par Marc Chagall (1887- 1985), en 1952, au dos d’un Portrait de femme et intitulée Libération. Le maître de Vitebsk a abordé pour la première fois ce thème en 1937, dans un triptyque commémorant les 20 ans de la Révolution russe. Il retravailla individuellement les trois parties de cette oeuvre – Résistance, Résurrection et Libération – à partir de 1943, alors qu’il était en exil aux États-Unis et s’inquiétait du sort du peuple juif dans les camps nazis. Cette oeuvre joyeuse, aux figures typiques du violoniste et du couple de mariés, a été réalisée à grands coups de brosse, à la manière des jeunes peintres américains de l’époque.

PERRIAND

Spécialiste de Charlotte Perriand (1903-1999), Jacques Barsac a confirmé « ce modèle de bureau […] très beau […] et rare ». En madrier de pin massif, agrémenté d’un tiroir et d’une tirette, ce petit meuble de forme libre (72 x 175 x 86 cm) pourrait atteindre 80 000/120 000 €. Fondatrice de l’Action catholique des milieux indépendants et première femme nommée auditrice au concile de Vatican II, Marie-Louise Monnet (1902-1988) a démontré sa liberté de goût et d’esprit en choisissant, pour meubler son appartement du 16e arrondissement de Paris, ce bureau d’une créatrice de sa génération aussi moderne que l'était Perriand. Elle l’a ensuite offert en cadeau de mariage à ses jeunes amis Philippe et Anne Carvallo, en 1969, qui l’ont conservé dans leur propriété en Touraine jusqu’à aujourd’hui.
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