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Enchères : nos 6 coups de cœur du mois de décembre

Mardi 17 novembre 2020

Connaissance des arts, Céline Lefranc

De Hodler chez Koller à Le Corbusier chez Ader, en passant par les curiosités minérales de De Baecque, « Connaissance des Arts » a sélectionné pour vous 6 ventes aux enchères à ne pas manquer au mois de décembre.

Aguerries par le premier confinement, les maisons de ventes préparent d’arrache-pied leurs ventes aux enchères de décembre et envisagent toutes les éventualités. Tout en espérant la réouverture in extremis des salles de ventes, notamment pour exposer les œuvres, ce qui s’avère crucial pour convaincre les potentiels acheteurs, elles prévoient des ventes Live à huis clos, souvent relayées en France par les plateformes spécialisées comme Drouot Live et Interenchères. Voici nos six ventes préférées, très différentes, organisées en Suisse, à Paris ou en région.

1. Les Rouillac à l’heure numérique

Toujours pleins de ressources, Philippe et Aymeric Rouillac avaient lancé de nouvelles initiatives numériques pour leur vente Garden Party au château d’Artigny réalisée en octobre, avec la mise en ligne d’une visite virtuelle en 3D très attractive, qui avait recueilli 1500 visites en deux jours. Les commissaires-priseurs de Vendôme vont encore plus loin pour leur vente d’art et de design du 5 décembre. Initialement prévue au Centre de Création Contemporaine Olivier Debré Tours (CCCOD), comme leurs trois précédentes ventes « Arts+design », elle aura finalement lieu depuis leurs propres locaux et en Live, puisqu’il est peu probable que les restrictions sanitaires soient levées début décembre.


Détail du « Dernier carnaval de James, 2019 » de Fabien Deverschaere, aquarelle sur papier, 1,30 x 18,60 m, détail, mis à prix 10 000 € le 5 décembre par Rouillac en Live à huis clos, au profit des activités pédagogiques du CCCOD ©Rouillac


En plus du catalogue numérique, de vidéos et d’une visite virtuelle (mise en ligne le 16 novembre), ils ont conçu leur vente « comme une émission de télévision, avec une batterie de caméras qui permettront aux commissaires-priseurs d’être en mouvement, d’aller d’un objet à un autre ». D’un argentier de Rulhmann (estimé 40 000 €/ 60 000 €) provenant de chez un grand collectionneur d’Art Déco rennais à un bureau de Charlotte Perriand ayant appartenu à Marie-Louise Monnet, fondatrice de l’Action catholique des milieux indépendants (ACI), d’une lampe Grand Échassier de Lalanne à ce Carnaval de Fabien Verschaere de 18 mètres de long, qui sera vendu au profit des actions pédagogiques du CCCOD (mise à prix 10 000 euros).

2. Boîtes de luxe chez Doutebente

Suspense sur la date de cette belle vente d’art asiatique, programmée le 10 décembre, dans le cadre de la « « saison » d’arts d’Asie de Drouot. « La vente de cette collection était prévue en juin dernier, nous l’avons repoussée au 10 décembre mais nous ignorons si Drouot aura rouvert d’ici là, déclare Me Olivier Doutrebente. Pour des objets importants tels que la paire de boîtes en laque estimée 300 000 euros, il est primordial qu’il y ait une exposition, afin que les acheteurs éventuels, ou leurs émissaires, puissent les examiner. Dès que nous sortirons du confinement, nous prendrons une salle à Drouot. J’aimerais faire le pari de disperser cette collection avant Noël. »


Boîte en laque Chine, époque Qianlong (1736-1795), 46 x 46 x 16,5 cm, estimée 200 000 €/300 000 € avec son pendant, vente prévue le 10 décembre par Olivier Doutrebente à Drouot, et reportée si nécessaire à la réouverture de Drouot. ©Doutrebente/Drouot


La collection a été constituée dans les années 60 par un dirigeant de société qui se faisait conseiller par René Grog, époux de Madame Carven (qui par la suite feront de grandes donations au Louvre et au Musée Guimet). Elle était exposée dans un hôtel particulier parisien et réunit plusieurs trésors : une corne de rhinocéros sculptée (estimée 150 000 €/200 000 €), une aiguière piriforme portant la marque de l’empereur Qianlong (40 000 €/60 000 €) et la fameuse paire de boîtes en laque du XVIIIe siècle évaluée entre 200 000 et 300 000 euros. Adoptant la forme de pêches de longévité et composées d’une multitude de couches de laque rouge, noir, vert et jaune, elles sont sculptées en profondeur du caractère du printemps, « chun », et de symboles auspicieux en l’honneur de Qianlong.

3. Le Corbusier caracole chez Ader

Cette grande composition a tout pour plaire. « Elle fait partie d’une série de taureaux réalisée après la guerre, au faîte de la carrière de Le Corbusier. C’est donc un sujet classique, apprécié, mais qu’on ne voit pas souvent sur le marché de l’art. De plus, il s’agit d’un grand format post-cubiste, très coloré, avec du collage. Bref, il transpire Le Corbu… », déclare, enthousiaste, le commissaire-priseur Xavier Dominique, de la maison Ader. Ce collage est une variante de son Taureau IX de 1954. Comme c’est fréquemment le cas, l’artiste a inscrit deux dates : celle de l’invention du sujet, 1954, et celle de la réalisation de l’œuvre, 1959. Architecte et artiste de réputation internationale, Le Corbusier est collectionné dans le monde entier et en particulier en Suisse, d’où il est originaire.


Charles-Edouard Jeanneret dit Le Corbusier, "Taureau", 1954-59, gouache et collage, monogrammé et daté en bas à droite, 76 x 88 cm, estimé 60 000 €/100 000 €, mis en vente le 8 décembre par Ader, en Live à huis clos ©Ader


L’œuvre a été estimée très largement, entre 60 000 et 100 000 euros. La vente est programmée le 8 décembre. Si Paris est déconfiné, elle aura lieu en public dans les locaux d’Ader et sera précédée d’une exposition. Sinon tout se fera en « Live confiné », c’est-à-dire à huis clos, avec le commissaire-priseur sur place mais tous les collaborateurs et acheteurs à distance. « À l’occasion de la crise sanitaire, nous avons développé de nouveaux réseaux, qui nous ont ouvert des portes, reconnaît Xavier Dominique. Mais je suis convaincu que quand la Covid 19 nous laissera tranquilles, les gens auront un plaisir fou à revenir dans les salles de ventes. »

4. Un caravagesque à l’affiche chez Tajan

Un spécialiste italien, le Professeur Francesco Petrucci, a récemment donné ce Saint Jean-Baptiste à Bartolomeo Cavarozzi (1587-1625), peintre actif à Rome au tournant du XVIIe siècle, adepte des sujets religieux. « C’est une œuvre tout à fait caravagesque qui pourra séduire aussi bien les collectionneurs privés que les institutions, affirme Thaddée Prate, chef du département des Tableaux anciens chez Tajan. Il est très difficile d’estimer une toile de Cavarozzi, dont les prix varient entre 40 000 et 400 000 euros, mais son sujet, plaisant, plaide en sa faveur et nous l’avons estimée 150 000/200 000 euros. »


Bartolomeo Cavarozzi, « Saint Jean-Baptiste », huile sur toile, 100 x 136 cm, estimée 150 000 €/200 000 €, mise en vente le 15 décembre sur Tajan Live ©Tajan


Thaddée Prate espère que sa belle vente du 15 décembre pourra bénéficier d’une exposition, ou que la maison de ventes aura l’autorisation de montrer les œuvres, sur rendez-vous, aux collectionneurs qui s’y intéressent. La vente elle-même se déroulera sur Tajan Live, une formule qui a déjà fait ses preuves. En mars-avril dernier, le confinement avait fait basculer une vente de tableaux anciens en Live et le bilan était encourageant : nombre d’enchérisseurs multiplié par trois ou quatre et taux d’œuvres vendues monté à près de 80%. « Nos acheteurs habituels sont toujours au rendez-vous, et nous avons attiré par ce biais de nouveaux clients. »

5. Chez Koller, neuf Hodler sinon rien…

Heureuses maisons de ventes suisses, qui ne souffrent pas du confinement ! Le 4 décembre aura lieu à Zurich, chez Koller, une vente exceptionnelle qui réunit neuf œuvres de Ferdinand Hodler (1853-1918), l’un des deux peintres suisses les plus célèbres avec Félix Vallotton. « Nous sommes fiers de pouvoir présenter ces œuvres, qui proviennent de quatre collections privées, déclare Cyrill Koller, directeur de Koller Auktionen. Parmi les plus importantes figurent une vue du lac de Thoune et du Niesen, de 1912-1913, un sujet très recherché mais un tableau atypique, un peu intellectuel, presque abstrait. Si le record pour un lac de Hodler se situe à 8 millions d’euros, nous avons estimé celui-ci raisonnablement, entre 1M€ et 1,5M€, même si, de par sa facture plus abstraite, nous pensons qu’il peut attirer un public plus large. »


Ferdinand Hodler, « Le Faucheur », vers 1910, huile sur toile, 61,5 × 85,5 cm, estimée CHF 800 000/1 200 000 (700 000 €/1 M€), mise en vente le 4 décembre par Koller à Zurich ©Koller Auktionen


Ajoutons qu’il s’agit d’une des dernières vues du lac en mains privées, les autres étant entrées, au fil des ans, dans des musées. Citons également une autre image emblématique de l’œuvre de Hodler, un tableau de la série des Faucheurs, déclinaison de la composition de l’artiste qui a orné les billets de 100 francs suisses de 1911 à 1958 (estimation : CHF 800 000/1 200 000, soit 700 000 €/1 M€). De la même année 1910 date un Sapin au bord d’une rivière doté d’un beau pedigree : il a appartenu au célèbre marchand berlinois Paul Cassirer, promoteur de Van Gogh et de Cézanne. Cyrill Koller est optimiste : « Jusqu’à maintenant, la crise sanitaire n’a pas découragé les acheteurs. Au contraire, avec l’annulation des foires et le report de certaines grandes ventes, on sent que les amateurs ont envie d’acheter ».

6. Les beaux cailloux de De Baecque

Les ventes de minéraux, fossiles et météorites ont le vent en poupe. Autrefois conservés dans les cabinets de curiosité, ces objets séduisent par leur mystère et leurs qualités esthétiques. L’expert Pierre Clavel organise des ventes avec la maison De Baecque & Associés, dont deux prévues au mois de décembre en live à huis clos, le 11 à Lyon et le 18 à Marseille. « Il y a plusieurs types de collectionneurs et de collectionneuses, raconte l’expert : ceux qui se concentrent sur un minerai, comme le cuivre ou le plomb, ceux qui préfèrent les pierres précieuses, ceux qui se limitent à une provenance, la France par exemple, ou les collectionneurs systématiques, qui veulent un exemple de chaque minerai. Mais chacun, dans son domaine, cherche le Graal… » Pour certains, le Graal sera cette pyromorphite de belle taille, environ 10 centimètres de haut, trouvée dans la carrière d’Ussel en Corrèze, qui compte parmi les plus belles et recherchées du monde.


Pyromorphite de la carrière d’Ussel en Corrèze, environ 10 cm de haut, estimée autour de 1000 €, mise en vente le 11 décembre par De Baecque & Associés, à Lyon, en Live à huis clos ©De Baecque & Associés


« Toutes les mines ont fermé en France, rappelle Pierre Clavel, mais on voit sur le marché des pierres autrefois trouvées par des mineurs, qui ramassaient de beaux spécimens pour arrondir leurs fins de mois. Ou des pierres récoltées par des « guides cristallins » dans les Alpes (par exemple à Chamonix), qui jouissent d’un droit coutumier. Ils doivent d’abord proposer leurs trouvailles aux autorités, qui peuvent faire jouer leur droit de préemption, avant de pouvoir les garder ou les mettre en vente. Ces guides sauvent bien souvent des minéraux qui disparaîtraient dans les mouvements de la montagne, provoqués par le dégel. » Cette belle pièce reste accessible : environ 1000 euros. Pour d’autres, le Graal sera une météorite cachant, au milieu de sa croûte calcinée, des cristaux d’olivine vert émeraude. Et pour d’autres encore, des cristaux de roche de Colombie, dont des « groupes » particulièrement beaux et délicats.

Céline Lefranc

Rédactrice en chef adjointe
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