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Demandez le programme !

Samedi 14 novembre 2020 à 07h

Cette semaine, Isabelle nous fait parvenir la photographie d’un programme de spectacle de cirque. Me Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



Un cheval cabré devant son dompteur sur la piste d’un cirque, tel est le programme que propose le livret de notre lectrice. Organisé au cirque d’hiver à Paris, ce spectacle prend place dans un cadre spécial : celui du Gala de l’Union des artistes. Ce n’est pas le premier - mais le XXVe – et ce ne sera pas non plus le dernier, car aujourd’hui encore la tradition se poursuit. L’Union des artistes est une association fondée en 1917 par Félix Huguenet. Elle a pour but de proposer une entraide sociale aux artistes dramatiques, lyriques, chorégraphiques et de variétés. Pour perpétuer le soutien aux artistes les plus âgés dont les ressources sont coupées, l’idée est trouvée en 1923 par le comédien Max Dearly d’organiser des numéros de cirque. Les fonds perçus par la vente des billets sont ainsi reversés aux artistes les plus nécessiteux.
Mais pour monter un tel événement, les plus grandes stars des arts du spectacle de l’époque se doivent d’y participer gracieusement : Annie Cordy en 1923 se fait dompteuse d’ours… tandis qu’en 1958 Jean Marais adopte la tenue de dresseur de chevaux. Les équidés sont aussi au rendez-vous de la XXVe édition comme en témoigne la couverture de ce programme.

L’œuvre est fournie par Yves Brayer. Et qui mieux que le peintre des chevaux et de la tauromachie pour illustrer un spectacle équestre ? Grand prix de Rome en 1930, Brayer voue aux équidés une passion sans fin, lui venant de son père polytechnicien et cavalier. L’artiste s’attache dans son œuvre à figurer la réalité et le monde qui l’entoure plutôt qu’à innover dans la représentation picturale. En ce sens, il est à envisager comme un tenant du retour à l’ordre plutôt qu’un disciple des avant-gardes artistiques.

Outre le sujet, cette œuvre se présente comme un témoin privilégié du style de l’artiste. Les couleurs vives sont posées par touches pour offrir un traitement luministe. Les formes sont pour leur part définies par de vifs cernes noirs donnant d’importantes vibrations plastiques. Dans tous les cas, la couleur prime sur le dessin dans l’œuvre de Brayer. Ce parti artistique nous invite à rappeler un débat vieux de plus de 500 ans, opposant les peintres coloristes aux partisans du dessin. Si le trait est l’essence même de la peinture, la couleur est ce qui mène l’œuvre vers le chemin de perfection. Telle est la pensée de Charles Le Brun – premier peintre du roi Louis XIV – pour mettre un terme à la querelle opposant ses contemporains à l’Académie de peinture et de sculpture durant la seconde moitié du XVIIe siècle.
La vocation d’un programme de spectacle n’est pas d’être éditée en un seul exemplaire, mais plutôt en dizaine voire centaine. C’est pour cela que ce livret de la XXVe édition du gala de l’Union des artistes n’est pas rare. Aux enchères et dans son état, il est possiblement de l’estimer autour de 30 à 40 euros. De quoi faire continuer le spectacle à bon prix et de soutenir nos artistes dans cette période de crise.
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