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« Ses jambes sont des colonnes d'albâtre, Posées sur des bases d'or pur »

Samedi 07 novembre 2020 à 07h

Cette semaine, Bernadette de Vineuil nous fait parvenir la photographie d’une pendule. Me Philippe Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



Depuis l’époque de l’écriture du Cantique des Cantiques, attribué au Roi Salomon IX siècle avant J.-C., le mélange opéré entre l’albâtre et l’or ravi le regard de générations d’hommes et de femmes.
L’objet présenté par Bernadette prend la forme d’un grand parallélépipède à la base en léger ressaut. Cette forme d’horloge nait sous le règne de Louis XVI mais devient véritablement un « classique » à partir du premier Empire. On l’appelle «pendule borne». À ne pas confondre avec la pendule portique, elle aussi verticale mais flanquée de colonnes, ces modèles traversent tout le XIXe siècle. La nôtre repose sur des pieds en boules aplaties et présente un détachement formant une corniche en partie haute.

Son décor est constitué de fleurettes disposées en frise et d’autres retenues dans des drapés en chute sur la base. Au centre, sous le cadran, on distingue deux grands cornets débordant de fleurs épanouies. Ce motif est inspiré de l’Antiquité, il s’agit des cornes d’abondance. Comme toujours en ce qui concerne la mythologie différentes versions coexistent pour expliquer l’origine de cet attribut du dieu Ploutos, divinité de la richesse. L’une des plus populaires veut que cette corne soit celle de la chèvre Amalthée, animal mythique qui nourrit Zeus durant son enfance. Elle symbolise la richesse inépuisable.
Son rutilant cadran est plus probablement en laiton qu’en bronze doré. Il semble sculpté au repoussé de motifs de rosaces et de feuillages stylisés, figurant les heures en chiffres arabes autour d’un chemin de fer. On note la présence de deux orifices permettant l’introduction des clefs, ce sont les remontoirs. Puisqu’il y en a deux on peut en déduire que la pendule a un système de sonnerie. L’expertise du mouvement devrait dévoiler un fil qui retient le balancier. S’il est absent, le mécanisme a été transformé.

Si je suis aussi catégorique sur ce fil c’est parce qu’il permet assez précisément de dater cette horloge. Elle est caractéristique de la Restauration et plus précisément du règne de Charles X (1824-1830). On l’identifie grâce à son décor, mais également en raison de son matériau. Il ne s’agit pas de marbre, une roche formée à des kilomètres sous la terre, mais d’albâtre qui naît en surface pour affleurer par exemple en stalagmite ou stalactite. Il se compose majoritairement de calcium et ses propriétés sont différentes de celles du marbre avec lequel on le confond parfois. Beaucoup plus tendre, parfois rayable avec l’ongle, il peut laisser transparaître la lumière. « L’albâtre translucide de nos souvenirs » comme l’écrit Marcel Proust, permet une riche sculpture, malheureusement il est fragile et les accidents sont fréquents.
En bon état, si elle fonctionne et que son mouvement est d’origine, l’objet de Bernadette on peut être estimé entre 200 et 300 euros. Certaines versions avec des mouvements signés ou des décors plus rares que celle présentée, permettrait d’être plus optimiste.

On aime toutefois les beaux effets de lumière produits par les rayons du soleil sur cette roche peu ordinaire. Un célèbre portrait de l’intendant de Mésopotamie Ebih-Il est exposé dans le département des antiquités orientales au musée du Louvre. Sculpté comme la pendule de Bernadette dans de l’albâtre, qui peut affirmer devant pareil chef d’œuvre âgé de 4.400 ans qu’il ne s’agit pas d’une matière noble ?
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