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Un atlas ecclésiastique pour combattre l'obscurantisme

Samedi 24 octobre 2020 à 07h

Cette semaine, une lectrice nous fait parvenir la photographie d’un atlas ecclésiastique. Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, partage son avis.



Se représenter le monde, dessiner les frontières physiques et immatérielles de son espace, est à l’origine de la géographie. Littéralement « dessin de la Terre », cette discipline est immanquablement liée à l’histoire. Si l’Histoire est la Géographie d’hier, la Géographie est l’Histoire d‘aujourd’hui. Les atlas sont parmi les ouvrages les plus recherchés des collectionneurs. Al Idrissi, brillant géographe marocain musulman dessine ainsi au XIIe siècle l’un des tous premiers planisphères. Il nous est connu par le dessin qu’en a fait le roi catholique Roger II de Sicile. Les élites intellectuelles ont toujours fait fi de leurs divergences culturelles pour porter une conscience universelle. La « convivencia », ou l’art de vivre ensemble, permet ainsi à la connaissance de vaincre les obscurantismes.

Cet atlas est un recueil de cartes géographiques, à la suite du premier atlas réalisé par le flamand Mercator à la fin du XVIe siècle. Celui-ci date du 1766 et est l’œuvre de Louis Brion de la Tour. Ce cartographe, auteur prolixe, est aussi ingénieur géographe du roi de France. Il publie avec Charles Denos, libraire et géographe du roi du Danemark, un ensemble de volumes d’une grande qualité scientifique. Le nôtre prend le nom « d’Atlas ecclésiastique ». Il s’agit d’une représentation de « tous les évêchés des quatre parties du monde ». Les cartes sont élégamment gravées, encadrées de motifs « rocailles », c’est à dire de coquilles et feuillages à la mode durant le règne de Louis XV. Les archevêchés, mais aussi les patriarcats et les églises « schismatiques », c’est à dire les communautés religieuses en rupture, sont délimités et rehaussés à l’aquarelle. Les feuilles imprimées de ce livre ont été pliées en quatre feuillets avant d’être reliées. Voilà pourquoi on parle alors de format « in-quarto ». La représentation exhaustive des auteurs s’inscrit dans une démarche qui participe à l’esprit des Lumières et qui correspond également au message universel de l’Église catholique.

Le dessin de l’Europe nous frappe particulièrement par l’évolution de ses frontières. Notre vieux continent était à l’époque constitué de beaucoup moins de pays qu’aujourd’hui, et la Turquie, l’alliée historique de la France depuis François Ier, était alors beaucoup plus étendue. Si notre lectrice nous avait donné à voir le reste de son ouvrage, nous aurions été frappés par l’absence du continent océanien. En effet, le lieutenant de la Royal Navy, James Cook, ne découvre l’Australie qu’en 1770, quatre ans après cette publication, ce qui explique pourquoi l’auteur ne parle que de quatre et non de cinq parties du monde. Le titre de ce livre est surmonté de l’œil de la providence, aussi appelé œil omniscient qui prend la forme d’un triangle étincelant. C’est une représentation de l’œil de Dieu qui exerce sa surveillance sur l’Humanité. Il aussi un symbole repris par la franc-maçonnerie.

En bon état et complet, l’atlas de notre lectrice pourrait être estimé à 500 euros au moins. Selon l’édition, la présence de toutes les mappemondes et la fraicheur des couleurs, sa valeur pourrait être supérieure et nécessiterait une expertise physique. Alors que nous célébrons en ce week-end de la Toussaint nos défunts et que la France est marquée par de lâches attentats islamistes, cet atlas nous montre que notre territoire est le fruit d’une histoire complexe et plurimillénaire, qu’il faut connaitre, défendre et partager.
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