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Argentier en palissandre des Indes

Lundi 02 novembre 2020

par Émile-Jacques Ruhlmann

Émile-Jacques RUHLMANN (Français, 1879-1933)
Argentier à ressaut, circa 1934

en placage de palissandre des Indes, la partie cen- trale à léger ressaut ouvrant par deux portes centrales encadrées de deux rangs de six tiroirs, flanqués de chaque côtés de deux portes dévoilant trois étagères. Socle parallélépipédique en retrait reposant sur une gaine à rouleaux.
Ornementation de bronzes dorés pour les poignées et les entrées de serrure.
Plateau en marbre Portor de forme rectangulaire à gorge.

H. 101, L. 280, P. 74 cm. (petits sauts de placage).

Provenance :
- collection Félix Marcilhac.
- collection Pierre et Jocelyne Noury, Rennes.
Certificat joint par Félix Marcilhac du 30 janvier 1998 : "Œuvre authentique (...) réalisée en palissandre, variante du modèle spécialement créé et conçu en bois de violette par l'artiste pour Van Beuningen en 1931, portant le numéro 2136 du référencier d'Émile Jacques Ruhlmann."

Bibliographie :
- Revue Mobilier & Décoration, décembre 1934, œuvre reproduite page 453.
- Pierre KJELLBERG, "Le mobilier du XXe siècle, Dictionnaire des créateurs", les éd. de l'amateur, 1994, ce meuble illustré pp. 572-573, "Collection Félix Marcilhac, Paris".
- Florence Camard, Ruhlmann, édition Monelle Hayot, 2009 : l’argentier créé pour Van Beuningen reproduit p. 279.

Le décorateur et ensemblier Jacques-Émile Ruhl- mann (1879-1933) marque de son empreinte le mouvement Art Déco. Principal instigateur de « l’Hô- tel du collectionneur » en 1925, il est à l’origine d’un art total somptueux qui se manifeste lors du Salon in- ternational des arts décoratifs de Paris cette même année. Le style Ruhlmann devient le style Art Déco, faisant la part belle aux matériaux luxueux et réinterprétant les styles historiques, entre faste et pureté des lignes. Notre argentier figure parmi les chefs-d’œuvres de sa production. Il est ainsi illustré en pleine page de l’ouvrage de référence consacré par Pierre Kjellberg au mobilier du 20e siècle.

Notre argentier trouve son inspiration dans le mobilier du 18e siècle, comme c’est souvent le cas dans les an- nées 1920-1930. Il combine les caractéristiques de deux meubles du règne de Louis XVI : l’enfilade, dont il épouse la longueur, et le meuble à hauteur d’appui, dont il partage la hauteur. Si les dressoirs d’alors ont vocation à étaler la richesses des collections d’orfè- vrerie de leurs propriétaires, notre meuble dissimule

plus qu’il ne met en scène les métaux précieux. La réinterprétation des fastes du XVIIIe siècle s’apprécie alors dans l’utilisation de matériaux luxueux pour la confection du meuble lui-même, avec son précieux palissandre des Indes. Son plateau en marbre veiné de pyrite, brillant comme de l’or, appartient à un gi- sement aujourd’hui épuisés : le Portor. C’est dans ce même marbre que Rembrandt Bugatti soclait ses plus prestigieuses sculptures.

Toutefois cette beauté régressive ne doit pas nous faire oublier sa fantastique modernité. La plinthe évo- lue comme une ligne terminée par deux volutes parfaitement sphériques. Elle évoque les ”Rythmes” peints par Delaunay et le mouvement orphiste en cette même année 1934. Jusque dans sa serrure, semblable à celles réalisées d’autres fois avec Jan et Joel Martel, cet argentier navigue entre luxe et épure. Félix Marcilhac, l’un des plus illustres spécialistes de l’Art Déco ne s’y était pas trompé, ayant été l’un des précédents propriétaires de ce meuble exceptionnel par son luxe et ses dimensions.
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