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Un miroir Louis-Philippe reflet de la sobriété

Samedi 24 octobre 2020 à 07h

Cette semaine, Bernadette nous fait parvenir la photographie d’un miroir. Me Philippe Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



Le miroir en bois doré et stuqué de notre lectrice est un grand classique du mobilier français. De nombreux exemplaires se retrouvent dans beaucoup de maisons de l’hexagone encore aujourd’hui. Et pour cause, sa sobriété est indémodable avec son dessus cintré, ses moulures et son vraisemblable rang de perles. Un passe-partout en somme qui se marie aussi bien avec un intérieur classique que contemporain.

Le contexte de sa création ne pourrait-il pas l’expliquer ? Si et plutôt deux fois qu’une ! Ce miroir est effectivement un produit typique du style Louis-Philippe dont la production correspond plus ou moins aux années du règne. Entre 1830 et 1848, Louis-Philippe dirige la France sous le titre de « roi des Français ». Il met ainsi un terme à la monarchie absolue de droit divin développée à son paroxysme sous le règne de Louis XIV. Sa politique de « juste milieu », comme il la définit lui-même, s’exprime par une tentative de conciliation de la population durant la Monarchie de Juillet. Il tend à mettre en place un suffrage censitaire élargi ainsi qu’un véritable régime parlementaire et rend possible l’accession de la bourgeoisie à des fonctions importantes. En d’autres termes, Louis-Philippe s’efforce d’apaiser la France après la terrible Révolution de 1830, illustrée notamment par Delacroix dans sa célèbre Liberté guidant le peuple (musée du Louvre). Dans ce contexte où certaines familles voient leurs conditions s’améliorer en accédant à la bourgeoisie et aux fonctions qui lui sont attachées, les artisans produisent des pièces de consensus plaisant au plus grand nombre. Ils s’affèrent en parallèle à industrialiser la production afin d’abaisser les coûts et les prix de vente. Mais la raréfaction des éléments ornementaux et décoratifs des meubles de style Louis-Philippe résulte aussi du peu d’intérêt que porte le roi pour les arts. À la différence des monarques de l’Ancien Régime, Louis-Philippe n’est effectivement pas un grand commanditaire d’œuvres et objets d’art. Ses appartements du château d’Eu en témoignent par leur très grande sobriété.

Louis-Philippe n’use donc pas d’une politique passant par les arts à la différence du régime lui succédant. Durant le Second Empire, Napoléon III et l’impératrice Eugénie déploient une myriade de luxe pour exprimer la grandeur de la France. Ceci passe notamment par un accroissement des dorures aux murs et aux plafonds et l’utilisation de velours rouge pour recouvrir les sièges dans les appartements nouveaux du Louvre. Pour autant, il est difficile de parler d’un style Napoléon III tant la production est éclectique : des meubles de style Louis XV et Louis XVI peuvent cohabiter avec des pièces d’inspiration mauresque ou japonisante… Un spectaculaire Second Empire impossible à définir stylistiquement.

Posé sur le dessus d’une cheminée, le miroir de notre lectrice paraît être de belles dimensions car semblant toucher le haut de la corniche ou de la frise supérieure du mur. Avec ces quelques accidents, il peut être estimé entre 100 et 150 euros. Un classique à petit prix !
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