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Une pendule à l’heure du retour d’Égypte de Napoléon Bonaparte

Samedi 17 octobre 2020 à 07h

Cette semaine, un lecteur de Blois nous fait parvenir la photographie d’une pendule. Me Philippe Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



La bataille des Pyramides menée par Napoléon Bonaparte et avec elle toute la campagne d’Égypte a laissé un souvenir impérissable à leurs contemporains. De 1798 à 1801 l’Europe découvre et redécouvre une civilisation millénaire et brillante qui ne laisse personne indifférent. Que ce soit par l’intermédiaire des artistes peintres ou des décorateurs, un nouveau vocabulaire envahit les arts et l’imaginaire collectif. La tête d’égyptienne remplace peu à peu la tête grecque, jusqu’à ce qu’on la trouve sur les horloges. C’est le cas de celle de notre lecteur !

Lorsqu’un garde-temps est flanqué de deux colonnes il prend alors le nom de pendule portique. Celle-ci est en bronze ou laiton doré, finement ciselé. Le cadran émaillé blanc présente les heures en chiffres arabes autour d’un chemin de fer. Le cadran est orné de différents motifs s’articulant symétriquement. En partie supérieure, une torche enflammée trône entre deux cygnes dos à dos qui crachent des bouquets fleuris. En partie inférieure, des monstres hybrides semblent le soutenir. Ils prennent la forme d’hippocampes ailés à têtes de femme. Les piles du portique dévoilent des égyptiennes coiffées d’un némès, attribut des pharaons. Le reste du décor est plus sobre : balancier à la figure solaire et socle ovale reposant sur des boules aplaties. A noter que ce genre de modèle est le plus souvent surmonté d’un globe ici absent.

A y regarder de plus près, certains éléments renvoient à une période plus tardive que le Directoire ou l’Empire. En effet, cette pendule n’a probablement pas été réalisée directement après la campagne d’Égypte mais plus tard dans le XIXe siècle. Les cygnes par exemple sont fréquents sous la Restauration, période de l’histoire de France s’écoulant de 1814 à 1830 et voyant le retour de la Monarchie après l’Empire. A cette même période, en 1821, le célèbre Champollion déchiffre les premiers cartouches royaux de la pierre de Rosette. On commence à lire les hiéroglyphes : le pays des pharaons rentre dans l’histoire moderne, nous sommes en pleine égyptomanie. Le développement du tourisme et des croisières sur le Nil ne font qu’accentuer le phénomène jusqu’à la fin du XIXe siècle. Les motifs décoratifs suivent la mode, et ce genre d’horloge « Retour d’Égypte » perdure dans le siècle. Certains modèles très proches de celui présenté par notre lecteur ont d’ailleurs un mouvement signé Japy, un horloger connaissant ses heures de gloire sous Napoléon III.

Si il fonctionne, et qu’il n’a pas connu d’accident on peut estimer cet objet d’art autour de 500 euros. Le modèle n’est pas rare et on aurait préféré une alternance de couleurs entre bronze brun patiné et bronze doré, nette plus-value. Si l’on pouvait étudier son mécanisme il est possible que nous y trouvions une signature ou des indices quant à une datation plus précise.
Malgré ses défauts, comme l’absence de sa cloche, cette pendule garde la magie de l’Ailleurs, de l’exotisme. Dans le regard de ces égyptiennes aux coiffes de pharaon aussi « quarante siècles vous contemplent »…
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