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Métal n’est pas argent, repas n’est pas festin

Samedi 10 octobre 2020 à 07h

Cette semaine une lectrice de Monthou nous fait parvenir la photographie d’un ensemble de couverts. Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



Selon la légende les fourchettes n’apparaissent en France qu’en 1574 pour déguster des poires cuites. On pense que c’est le roi Henri III qui les introduit dans l’hexagone suite à un voyage en Italie. Ce roi portait une large fraise, collerette en dentelle que l’on place autour du cou, la fourchette permet alors de ne pas la salir en apportant les mets à la bouche.

On désigne aujourd’hui par couverts l’ensemble des ustensiles présents à table : nappes, verres, assiettes, couteaux. Les spécialistes conservent la définition ancienne, limitant le mot aux seules cuillers et fourchettes. La photographie présentée par notre lectrice figure donc six couverts, c’est à dire six grandes fourchettes et six grandes cuillers ainsi que six petites cuillers à dessert. Cette argenterie rutilante présente un décor sobre, une ligne en relief orne l’ustensile du dos au manche : on parle de modèle « filet ».
Chaque partie d’une cuiller peut faire l’objet d’un décor. En France on grave les armoiries à l’extérieur et on place donc les fourchettes pointes vers le bas, il n’est peut-être pas nécessaire de rappeler que comme toujours les anglais font le contraire…
Le cuilleron est la partie qui contient l’aliment, reliée au manche par le collet. C’est la plupart du temps à cet endroit que l’on peut trouver des poinçons. Malheureusement, l’argenterie n’est pas toujours d’argent pur, d’argent massif !

En 1840 un britannique Henry Elkington développe un système de placage d’une mince couche d’argent par électrolyse, un procédé électrochimique. Deux années plus tard Charles Christofle achète ce brevet et obtient un succès considérable. Les poinçons placés sur les couverts vont alors permettre de connaître leur composition. L’argent massif, argent pur à 92,5% est flanqué depuis 1838 d’une « tête de Minerve casquée », la déesse gréco-romaine de la sagesse de l’intelligence et des métiers. Ce poinçon prend la forme d’un carré à pans coupés. On peut le distinguer à l’œil nu d’un poinçon de métal argenté parfaitement carré. Par ailleurs, les orfèvres signent leurs pièces avec leurs propres poinçons losangiques. Si vous distinguez une marque semblable au logo de la marque Renault (!) et une tête casquée dans un octogone vous êtes à coup sûr en possession d’une pièce en argent massif.

Notre lectrice distingue plusieurs poinçons sur ses couverts dont l’inscription « métal blanc ». Il s’agit alors d’un alliage appelé alfénide. Il tire son nom des frères Halphen qui l’on fait connaître. Il est composé principalement de cuivre, de zinc et de nickel. Il est plus dur que l’argent pur, ne se corrode pas, d’où la grande brillance des couverts de notre lectrice, mais surtout, il coûte beaucoup moins cher à produire.
Comme vous pouvez vous en douter, la valeur de couverts en métal blanc est largement inférieure à celle de couverts en argent massif. Les couverts en argent seront beaucoup plus prisés lorsqu’ils sont antérieurs à la Révolution, ils porteront dans ce cas des poinçons dits aux « fermiers généraux », caractérisés par des lettres couronnées indiquant la date et le lieu de production. Parmi les couverts en métal argenté, ceux produits par Christofle sont probablement les plus recherchés. On peut estimer ceux de notre lectrice à quelques dizaines d’euros. Aucune raison de ne pas s’en servir ! Ils demeurent beaucoup plus chics et beaucoup plus agréables à utiliser que ces couverts en acier inoxydable qui remplissent les cuisines. Sortez votre métal argenté de vos placards, et pourquoi pas vos fraises… vos diners s’en trouveront changés !
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