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Un américain à Paris

Samedi 03 octobre 2020 à 07h

Cette semaine, Josette de Seigy nous fait parvenir la photographie d’un bronze. Me Philippe Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



Quelques décennies avant la comédie musicale de Vincente Minnelli, un autre italo-américain fait le voyage à Paris : Edmondo Quattrocchi (1889-1966). L’auteur du bronze de notre lectrice, vient en effet s’établir en France après ses premières études à New-York, où il a travaillé notamment dans l’atelier de Daniel Chester French, sculpteur du très célèbre portrait d’Abraham Lincoln (Washington, Lincoln Memorial). De formation académique, Quattrocchi prolonge l’art de son maître durant la majorité de sa carrière au travers de sculptures officielles. Il livre par exemple un portrait de Benjamin Franklin pour l’institut éponyme en 1938. Situé à « Paris », le portrait de femme appartenant à Josette est un témoin de la production parisienne de Quattrocchi. Parallèlement, le cachet du fondeur français Valsuani confirme la production de cette tête de femme à Paris et garantit la belle qualité de l’épreuve.

Mais qu’est venu chercher Quattrocchi en France et particulièrement à Paris dans les années 1920 ? S’il obtient des commandes en livrant des sculptures officielles et reçoit des distinctions de la part du gouvernement français en devenant chevalier de la Légion d’honneur, l’ambition initiale de son voyage est vraisemblablement d’enrichir son vocabulaire esthétique en se confrontant aux œuvres des meilleurs artistes de l’époque. Et pour cause, Paris est la capitale des arts entre 1920 et 1930. L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels moderne de 1925 y participe très clairement et sonne le point d’orgue de l’Art déco. De façon générale, le mouvement se définit comme un retour à l’ordre après les débordements de couleurs et de formes des mouvements d’avant-garde. Les artistes de ce mouvement s’inspirent des formes, de la tradition et de l’iconographie du passé, à l’instar du sculpteur Antoine Bourdelle réinterprétant les mythes de la Grèce antique, comme celui d’Héraclès archer (Paris, Musée d’Orsay).

Daté « 1924 », ce bronze de Quattrocchi atteste de l’influence de la mode parisienne de l’époque. La coiffure au chignon et la mèche placée très finement sur le front sont effectivement des témoins de l’idéal féminin en plein mouvement Art déco. Ainsi, les traits du modèle ne sont pas sans évoquer, ceux des mannequins dessinés par Jeanne Lanvin pour la réalisation de ses vêtements, où les visages sculptés dans l’ivoire des « Girls » de Demeter Chiparus. Né en France et se diffusant très largement aux États-Unis, l’Art déco offre un parallèle artistique intéressant entre les deux de pays. Mais Paris finit par perdre son hégémonie au profit de New-York qui s’impose à son tour – et toujours actuellement – comme le centre du monde artistique. Les voyages se font dès lors davantage de Paris vers New-York.

Si Edmondo Quattrocchi se distingue par ses œuvres officielles, il n’empêche qu’il se présente surtout aujourd’hui comme un artiste oublié et peu recherché par les amateurs. Ses œuvres ne sont encore jamais aux enchères ! Ce qui est rare est cher, mais ce qui est trop rare ne l’est pas… Ainsi nous pourrions proposer une estimation entre 200 et 300 euros, d’autant que le socle en marbre le soutenant est aussi bien ébréché.
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