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Jeune femme à la source : une vision d’un orient imaginaire

Samedi 26 septembre 2020 à 07h

Cette semaine, Fethi nous fait parvenir la photographie d’un tableau. Me Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



Le tableau de notre lecteur est une invitation au voyage. Montrant une femme versant de l’eau à un homme au turban, la scène se déroule dans une oasis où palmiers et chameaux cohabitent. Au fond, une citadelle se tient dans un paysage vallonné. Manifestement, la scène ne se déroule pas dans une de nos contrés, mais plonge le spectateur dans les terres orientales, à l’exemple de nombreux tableaux peints à partir de 1830 en France et en Europe plus généralement. À partir de cette décennie, une véritable mode pour les œuvres inspirées de l’orient se développe. Elle donne naissance à un nouveau courant artistique : l’orientalisme. « Ce n’est plus une mode, c’est un engouement, c’est de la folie » écrivent les critiques. Et pour cause, l’occident s’ouvre plus que jamais à ces terres en raison du développement des moyens de locomotion et surtout des conquêtes militaires, menées en Égypte sous Bonaparte, puis en Algérie dès 1830 avec la prise d’Alger. L’orient devient une source d’inspiration nouvelle pour les artistes. En découvrant les paysages du Maroc en 1832, Eugène Delacroix écrit dans son journal : « Rome n’est plus dans Rome ». Coutumes et costumes orientaux sont dorénavant préférés à l’étude des monuments anciens de la Rome antiques. Une nouvelle chute pour l’empire romain !

Le tableau de notre lecteur reprend une composition connue d’un peintre orientaliste célèbre. Horace Vernet réalise en 1835 le tableau de Rebecca à la source pour le présenter au salon la même année. Le peintre se sert d’un sujet biblique tiré de la Genèse pour présenter un tableau orientaliste. Le moment choisi par le peintre est celui où Rebecca abreuve Éliézer venu trouver une épouse pour le fils d’Abraham. Pour plonger le spectateur dans ce passage de l’Ancien testament, Vernet offre une image présentant une vision fantasmée sinon quelque peu biaisée de l’Homme oriental. La beauté immaculée de Rebecca contraste avec la barbe taillée et le regard sévère du serviteur d’Abraham. En d’autres termes, Horace Vernet se sert de lieux communs pour illustrer son sujet d’autant qu’à cette date il n’a pas lui-même fait le voyage en orient. Vernet se rend en Algérie qu’à partir d’octobre 1839. Sa vision contraste avec un petit groupe de peintres figurant le désert et ses habitants de façon naturaliste. Par exemple Gustave Guillaumet est surnommé le « Millet du désert » en référence au peintre réaliste, auteur du fameux « Angélus » conservé au musée d’Orsay.

S’inspirant de l’un des chefs-d’œuvre de Vernet, l’œuvre de notre lecteur parle au plus grand nombre d’amateurs cherchant dans cette scène une échappatoire à la vie occidentale. Cependant, tous les critiques ne partagent pas la même opinion concernant l’attrait pour l’orient. Beaucoup s’émeuvent de la présence massive dans les expositions de ces tableaux orientalistes. Nous préférons les paysages des campagnes françaises plutôt que « votre sable », affirme l’un des plus éminents critiques d’art de l’époque.

La localisation du tableau originale de Vernet est inconnue aujourd’hui. Néanmoins, le tableau de Fethi n’est pas celui-ci. En considération de son état et de la qualité de la peinture, il est possible de l’estimer entre 100 et 200 €. Une gorgée d’eau pas donnée !
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