Jardin de verre
Samedi 10 mai 2014
Cette semaine, une lectrice de St-Claude-de-Diray soumet à Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur un vase signé « Daum Nancy ». Objet de famille, elle nous indique qu’il a été offert en cadeau de mariage avant 1930.
La cristallerie Daum naît en 1878 à Nancy. Auguste Daum et son frère font un pari à la fin des années 1880 : privilégier une production artistique. En cette fin du XIXe, Nancy est le cœur d’un nouveau mouvement : l’Art Nouveau. Ce style puise son inspiration dans la nature et rompt radicalement avec les productions de la seconde moitié du XIXe. Daum va se l’approprier. Une école de dessin est fondée en 1897 au sein même de la verrerie qui forme désormais ses propres décorateurs et graveurs. L’entreprise créera des milliers de modèles différents et sera maintes fois primée jusqu’à sa consécration. En 1900, à l'Exposition Universelle, Daum (conjointement avec Gallé) reçoit le premier grand prix pour la verrerie d'art. Si l’Art Nouveau passe de mode dans les années 20, ce n’est pas le cas de Daum, qui, jusqu’à aujourd’hui, a su s’adapter aux nouveaux styles.
Le vase de notre lectrice est typique des productions Art Nouveau. De forme balustre, il est en verre bicouche et reçoit un décor on ne peut plus naturaliste de fleurs légèrement en relief sur fond jaune marmoréen. Au toucher, les fleurs sont lisses alors que le fond, lui, est rugueux. Cela s’explique par la technique de décor utilisée : le dégagement à l’acide. Ici, le vase est composé de deux couches de verre. Sur la couche extérieure, le décorateur vient dessiner l’ornementation à l’aide d’un verni protecteur. Puis la pièce est plongée dans un bain d’acide qui vient ronger cette couche, faisant apparaître le fond tout en épargnant les motifs protégés. Ces derniers sont enfin rehaussés à l’émail. Daum a fidèlement reproduit des dizaines d’espèces florales sur ses vases, créant de véritables jardins de verre. Ici les fleurs sont des crocosmias, plante bulbeuse à fleurs de couleur chaude allant de l’orange au rouge. On distingue nettement la signature sur la photo : « Daum Nancy » à la croix de Lorraine qui a été utilisée entre 1905 et 1910.
Le vase de notre lectrice n’est pas une production très luxueuse. Composé seulement de deux couches de verre, il manque de nuances dans ses couleurs mais aussi de finesse dans son traitement. En somme, bien que de qualité, nous sommes ici face à une production courante et peu élaborée. Les vases exceptionnels de Daum peuvent valoir jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Une chose essentielle pour articuler une estimation : y a-t-il des chocs, fêles et restaurations ? L’une des plus courantes est un col accidenté et recoupé. Ce pourrait être le cas ici malheureusement car on distingue une brillance sur le rebord alors qu’il devrait être mat… Le col coupé, comptez une trentaine d’euros en vente publique contre 10 fois plus en parfait état.