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Une armoire de Grand-Mère

Samedi 26 avril 2014

Cette semaine Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, répond à Hamza qui souhaite connaître la valeur d’une armoire.

Cette semaine Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, répond à Hamza qui souhaite connaître la valeur d’une armoire.

Difficile d’imaginer une maison sans armoire. Ce meuble, généralement haut, est formé d'un seul corps et muni de portes dites « vantaux ». Fermant à clef, il est doté, à l’intérieur, d'étagères de rangement. L’armorium nait à l’époque romaine. Bien que son nom évoque le rangement d’armes, il reste, pendant des siècles, confiné aux sacristies. Rappelons que la plus ancienne armoire d’Europe qui date de la fin du XIIe siècle est jalousement conservée et exposée en l’abbaye d’Aubazine, en Corrèze. Au XVe siècle son usage se généralise dans les maisons. Jusqu’alors, on lui préférait le coffre.Chaque époque lui apportera formes et ornements différents.

En bois mouluré et sculpté, l’armoire de notre lecteur comporte toutes les caractéristiques du style Louis XV. Sa corniche mouvementée dite « en chapeau de gendarme » reçoit un riche décor de feuilles d’acanthe et fleurs stylisées. Les vantaux qui suivent la forme de la corniche en partie supérieure sont chacun foncés d’un miroir biseauté. Les traverses basses sont chantournées. Elle repose sur quatre pieds, les antérieurs cambrés agrémentés d’un enroulement feuillagé. Les montants, ainsi que les côtés, reçoivent une marqueterie de bois à motif de chevrons. Cette armoire à glace, typique des productions du premier tiers du XXe siècle, était destinée à une chambre à coucher. Il y a fort à parier qu’elle faisait partie d’un ensemble comprenant également un lit, des chevets, voire même une commode ou encore une coiffeuse. Un cadeau de mariage courant à cette époque qui horrifierait aujourd’hui plus d’un jeune ménage…! En effet (à de rares exceptions), leur dévolu se porte sur des meubles « design », aux lignes épurées.

Bien qu’industrialisée, la fabrication de cette armoire est de bonne qualité. Mais elle n’est plus à la mode ! De plus, les logements actuels sont en général dotés de placards intégrés et, de surcroît, leur faible hauteur de plafond ne permet pas d’accueillir de si grands meubles. Ainsi, les armoires sont aujourd’hui boudées ! Si quelques liens affectifs peuvent sauver une ancienne armoire de famille, il est rare que celle de «la grand-mère» datant des XIX et XXe siècles suscite beaucoup d’engouement… La valeur d’un tel meuble est donc extrêmement faible.

Comptez quelques dizaines d’euros en brocante ou sur internet. Triste est de constater que des meubles constitués de matériaux sans intérêt sont aujourd’hui vendus (en kit !) bien plus cher que des pièces anciennes, en bois nobles, sur lesquelles un artisan a œuvré pendant des heures. En cette période propice au fameux «grand ménage de printemps», consolez-vous en songeant que peut-être un trésor est à découvrir à l’intérieur de cette armoire, soigneusement caché entre deux piles de linge.
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