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De Qianlong à la Révolution française, l’histoire et ses témoignages artistiques

Vendredi 25 septembre 2020

La Gazette Drouot, Caroline Legrand

François Levaillant (1753-1824), Histoire naturelle des oiseaux de paradis et des rolliers, suivie de celle des toucans et des barbus, Paris, chez Denné le jeune (et) chez Perlet, [1801]-1806, deux volumes grand in-folio, 114 planches illustrées d’après des gouaches de Jacques Barraband, dos ornés de grands fers « à l’oiseau » dessinés par Bozérian Aîné, reliures du temps attribuables à l’atelier de Bozérian Aîné. Estimation : 40 000/60 000 €
Chine, époque Qianlong (1736-1796)
Vase en forme de grenade à quatre faces en porcelaine émaillée polychrome
et or des émaux de la famille rose dits « fencai », marque de Qianlong à six caractères en zhuanshu, h. 20,4, l. col 9,9 cm. Estimation : 400 000/600 000 €

Sous le feu des arts

Les Rouillac père et fils nous ont quant à eux habitués depuis trente-deux ans à leurs toujours très attendues ventes « garden party », que l’on retrouvera avec d’autant plus de joie les 4 et 5 octobre au château d’Artigny. Ils réussissent toujours à dénicher quelques œuvres d’art d’exception, à la riche histoire racontée avec ferveur dans leurs catalogues, qui demeurent d’incomparables sources de documentation. Lors de cette édition, on bataillera pour une boîte à portrait de Louis XIV, ornée des diamants de la Couronne et offerte par le roi au corsaire malouin Alain Porée suite à la prise du Darmouth en 1696 (60 000/80 000 €, voir Gazette n° 32, page 22), mais aussi pour des porcelaines chinoises et françaises, dans une sélection de grande envergure. De l’empire du Milieu s’imposeront un petit vase en forme de grenade, portant la marque de Qianlong et à décor émaillé polychrome et or des émaux de la famille rose dits « fencai » (400 000/600 000 €), ou encore une gourde XIXe en porcelaine baoyueping, à décor en bleu sous couverte de daims parmi les rochers (150 000 €). Pour l’Hexagone, signalons entre autres trésors de faïence un grand plat d’apparat de Rouen, daté vers 1725-1730, à décor en ocre à l’effet niellé sur fond bleu (60 000/80 000 €) : il provient de l’ancienne collection Rothschild.

FOCUS - De Qianlong à la Révolution française, l’histoire et ses témoignages artistiques

La 32e édition de la « garden party » s’est fait attendre cette année, mais elle aura bien lieu le 4 octobre au château d’Artigny. Et des œuvres d’exception rappelant la valeur accordée aux arts par les grands de ce monde y seront dévoilées. Incontournable, le nom de Qianlong est la garantie d’objets d’art somptueux – et fort recherchés. Avec la volonté d’inscrire son règne dans la lignée des plus grands de l’his- toire de la Chine, l’empereur mandchou a donné les moyens aux ateliers impériaux de produire des peintures, porcelaines et autres créations de prestige s’inspirant des produc- tions des dynasties passées, tout en cherchant à perfectionner leurs techniques. Le vase de forme grenade, symbole bouddhiste de pros- périté et d’abondance, présenté à Artigny avec une estimation de 400 000/600 000 € (voir page de gauche), en est un exemple des plus parlants, et constitue l’une des plus belles trou- vailles des Rouillac père et fils. Son décor d’une grande complexité – présentant sur chaque face un médaillon rond orné d’un cou- ple de cailles ou de pies sur des rochers agré- mentés de pivoines, de bambous célestes, de pruniers en fleur, fleurs de pêcher ou cerisiers fleuris – renvoie aux origines de la peinture chinoise. Dit « de fleurs et d’oiseaux », il évoque en effet le style académique de l’époque des Song du Nord, notamment sous le règne de Huizong (1101-1125), lequel appréciait particulièrement les sujets naturalistes et poétiques ; artiste lui-même, il aurait également inventé le fameux « or mince de la calligraphie », dont s’inspirent sans doute les rinceaux émaillés or de ce vase. Quant aux émaux « fencai » apparus à la fin du règne de Kangxi, ils sont nés de la curiosité des Chinois pour les arts européens et des échanges entre les deux continents à cette époque, où le tout jeune atelier impérial de la Cité interdite pra- tique la peinture d’émaux sur cuivre sous la direction du jésuite Jean-Baptiste Gravereau. Apparaissent aussi de nouvelles couleurs, dont, à partir du pourpre de Cassius, celles de la remarquable famille rose, particulièrement bien maîtrisées par Tang Ying, le directeur des fours impériaux de Jingdezhen qui bénéfi- ciait de toute la confiance de Qianlong. Avec ses motifs de cailles, symboles de paix, et de pies, présages de bonheur, ce vase fut le cadeau de mariage idéal offert, le 9 octobre 1930, à Jean Richard et Marie-Louise Tho- massin, tous deux descendants d’officiers de l’armée française et dont la famille tourangelle a jusqu’alors conservé cette pièce.

Un message politique

Utiliser les arts à des fins politiques : un savoir- faire dans lequel Louis XIV a pu donner l’exemple à Qianlong, comme en témoigne le médaillon à son effigie orné de vingt diamants que le Roi-Soleil a offert au grand corsaire malouin Alain Porée (voir Gazette n° 32, page 22). Il en fit fabriquer quatre cents de ce type, dont seuls trois sont aujourd’hui connus, y compris celui-ci, estimé 60 000/80 000 €. Mais revenons sur la sélection de porcelaines présentée lors de cette vente, cette fois pour quelques pièces issues des fours de Sèvres. Fondée par Louis XV et Madame de Pompa- dour, la manufacture mit ses talents au ser- vice des rois, puis de Napoléon Ier, tout comme de celui des partisans de la Révolu- tion française. Ainsi, un cabaret – assortiment de tasses et pièces pour servir les boissons – était destiné au service de bouche de l’Empe- reur. En porcelaine dure, à décor polychrome et or de cartouches ornés de scènes figurées à l’antique de style pompéien, par Christophe Ferdinand Caron en 1803-1804, il est proposécomplet de ses dix-sept pièces à 20 000/ 30 000 €. Datées quant à elles de 1794 et esti- mées 15 000/20 000 €, une tasse « litron » et sa soucoupe en porcelaine tendre arborent des ornements – dus au peintre Guillaume Noël – des plus explicites : le ruban tricolore entoure les deux pièces, qui présentent dans des médaillons les symboles révolutionnaires et maçonniques – faisceau de licteur, bonnet phrygien, compas, œil, piques croisées ou livre de sciences ouvert. Seuls deux autres modèles du même type sont connus, l’un au musée parisien Carnavalet et le second à celui de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg.

Le pouvoir de la connaissance

Pierre Paul Rubens fut diplomate auprès du roi d’Angleterre Charles Ier. En l’honneur d’icelui, le peintre réalisa une Allégorie avec saint Georges et le dragon dans un paysage, conservée au château de Windsor, dans laquelle le souverain prend les traits de saint Georges. Une réplique de l’atelier du maître flamand sera présentée à cette vente, à 60 000/80 000 €. Direction l’Italie ensuite, où Louis Gauffier, lauréat du prix de Rome, s’installe en 1784. Il y passera sa vie, dans le Latium puis en Toscane, fréquentant un milieu cosmopolite et cultivé d’artistes, mais aussi de grandes familles russes, françaises ou britanniques. Il en laisse des portraits dans un style néoclassique très « conversation pieces ». Sur la toile de 1797-1798 gardée jusqu’à nos jours dans la famille d’Alexandre Marie Gos- selin de Sainct-Même (1746-1820) – adminis- trateur des Subsistances militaires de l’armée d’Italie (40 000/60 000 €, voir photo ci-contre) –, Gauffier dépeint dans une composition en frise une réunion familiale en plein air au charme méditerranéen. Accentué par la présence de l’oranger dans son pot à l’antique, voilà un bonheur de vivre à l’italienne et l’image rousseauiste d’une famille parfaite ! Le siècle des Lumières est bien évidemment aussi celui de la soif de connaissance. Ainsi l’Histoire naturelle des oiseaux de Buffon – dont une édition originale est ici attendue à 60 000/80 000 € – a-t-elle révélé une science nouvelle, mais encore une nature à la beauté insoupçonnée. Parmi ses émules, l’ornitho- logue François Levaillant a écrit suite à son voyage en Afrique l’Histoire naturelle des oiseaux de paradis et des rolliers, suivie de celle des toucans et des barbus (40 000/60 000 €).

Les deux tomes sont ornés de cent quatorze illustrations imprimées en couleurs par Lan- glois – via le procédé alors révolutionnaire dit « à la poupée », permettant un seul passage sous presse – d’après des gouaches aquarel- lées de Jacques Barraband (1768-1809). Quand le savoir et le beau ne font qu’un.

DIMANCHE 4 OCTOBRE, MONTBAZON. ROUILLAC OVV. MM. DE BAYSER, CLERVAL, FROISSART, LEPRINCE, VEYSSIÈRE, CABINETS PORTIER ET ASSOCIÉS, SCULPTURE ET COLLECTION, TURQUIN.

MONTBAZON 37

Château d’Artigny, 92, rue de Monts - Dimanche 4 octobre à 14 h - Tableaux, mobilier et objets d’art, bijoux -
Expert(s) : Cabinets Portier et Associés, Sculpture & collection, de Bayser, Turquin, MM. Veyssière, Leprince, Froissart C., de Clerval - Rouillac OVV, 02.54.80.24.24. VoiGazette n 1, 3, 11, 20, 29, 31, 32.

En ce dimanche d’octobre s’ouvrira la 32e vente « Garden Party » de la maison Rouillac. 128 lots parfaitement sélec- tionnés seront proposés aux enchères et réunis dans un catalogue d’une grande richesse documentaire. On attirera particulièrement votre attention sur une belle sélection de porcelaines, tant chinoises que françaises, avec d’un côté un vase en forme de grenade marqué au revers de la marque Qianlong à six caractères en rouge de fer, au décor de la famille rose dit « fencai » (400 000/600 000 €), et de l’autre un grand plat d’apparat rond XVIIIe en faïence, de l’ancienne collection des Rothschild, à décor en ocre sur fond bleu (60 000/80 000 €). Parmi les provenances d’ex- ception, citons encore une boîte à portrait de Louis XIV ornée de diamants de la couronne, offerte par sa majesté en 1695 au corsaire malouin Alain Porée – pour la prise du vaisseau de guerre anglais le Darmouth – et restée depuis dans sa famille à Saint-Malo (60 000/80 000 €. Voir Gazette n° 32 page 22), mais aussi une toile fragmentaire de Claude Monet sur le thème des Nymphéas, provenant de la succession Michel Monet puis donnée à la famille de Gérard Blin, jardinier de Claude Monet qui possédait l’usu- fruit de la maison de Giverny (40 000/60 000 €). Sera encore présentée une lampe Flambeau petit modèle d’Al- berto Giacometti, réalisée vers 1934 et provenant de la collection Francis Grüber – proche de l’artiste –, puis offerte par la veuve du peintre expressionniste George Bernstein en cadeau de mariage à ses amis Marcel Degliame et Jean- nine Manuel en 1972 (même estimation). Voir article page 115
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