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Bien plus qu'une arme

Samedi 05 avril 2014

Cette semaine un lecteur vendômois sollicite Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, pour avoir des précisions sur un poignard indonésien.

Cette semaine un lecteur vendômois sollicite Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, pour avoir des précisions sur un poignard indonésien.

Tout au long de cette semaine et jusqu’à demain, le Cambodge est à l’honneur à Montoire, à l’occasion d’un festival qui se tient au théâtre Le Silo. Avec ce poignard, nous allons, nous aussi, plonger dans les mystères de l’Asie du Sud-Est en voyageant en Indonésie. À l’image du Français coiffé d’un béret et portant une baguette, l’Indonésien est lui, armé d’un kriss (oukeris). Cette dague est indissociable de la culture de ce pays. Élément clef du costume traditionnel, les gardes du palais du Sultan en arborent un à la ceinture. À la fois arme et objet spirituel sacré, les Indonésiens lui attribuent des vertus magiques. Apparu au XIVème, le kriss présente une lame asymétrique, droite ou sinueuse, à deux tranchants. Non polie, elle est faite d’un alliage d’acier et de… météorite ! Ce matériau inattendu étant utilisé uniquement pour les personnages les plus fortunés, les autres se contentant d’un alliage fer-nickel. Cette technique proche du damas lui donne un aspect marbré, le pamor, obtenu par superposition de couches de métal très contrastées. Une fois la lame forgée, elle est parfois ciselée et ajourée. Les plus belles sont même dorées à l’or fin et incrustées de diamants et de rubis. Il existe de nombreuses variantes du kriss en fonction de son lieu de production. L’élément, plus que tout autre, qui permet d’en déterminer la provenance est le sarong, le fourreau. À chaque pays breton, sa coiffe, à chaque région indonésienne son sarong ! Quoi qu’il en soit, il reste sacré dans tout le pays. Sa fabrication est ritualisée et chaque élément le composant est chargé de sens : le nombre d'ondulations de la lame, son ornementation, ce que représente la poignée… Le kriss est considéré comme un double de son propriétaire. Renfermant son âme, il peut même le remplacer à son propre mariage ! On raconte qu’il peut tuer un ennemi s’il est planté dans l’empreinte de son pied sur la terre ou encore empoisonner un fleuve lorsqu’on l’y lave. Un fois son propriétaire décédé, le kriss est placé par ses descendants dans un autel ou il est vénéré comme une personne vivante, faisant l’objet d’offrandes.

Sans doute javanais, le kriss de notre lecteur possède une lame dite flamboyante. Impressionnante quant à sa forme, elle n’est malheureusement pas de grande qualité du fait de son ondulation peu prononcée et de son pamor peu contrasté. La poignée à joues plates en bois exotique est sculptée sans faste de motifs stylisés et est malheureusement dépourvue de virole. L’absence de fourreau déprécie fortement la valeur de cette dague et nous empêche de déterminer avec certitude son origine. Datant vraisemblablement de la fin du XIXème, cette dague de facture commune peut être, sous réserve d’examen visuel, estimée autour de 20-30 €.
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