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Pendant les vacances, photographions la douce France !

Samedi 01 août 2020 à 07h

Cette semaine, Jean-Marc, nous fait parvenir l’image d’une photographie représentant trois hommes devant un monument local. Me Philippe Rouillac, commissaire-priseur - et pas seulement - nous donne son avis.



Aujourd’hui, nous immortalisons tous les moments qui nous sont chers et les personnes qui nous sont proches par la simple utilisation de notre téléphone portable. Sorties entre amis, réunions familiales et photographies de vacances alimentent nos albums et nourrissent nos réseaux sociaux… Mais aussi simple que cela puisse paraître, la photographie numérique que nous utilisons, est le fruit d’une longue évolution technologique dont l’origine remonte à l’utilisation de procédés chimiques. L’année 1822 marque le début de la photographie. Ce nouveau moyen de reproduction est rendu possible grâce aux recherches menées par Nicéphore Niepce. L’inventeur met au point l’héliogravure. Elle est un procédé par lequel le photographe obtient une image grâce à l’utilisation d’une plaque de bitume enfermée durant 8 heures dans une chambre noire. L’ère photographique est arrivée ! Or le temps de pose ne permet qu’une exploitation commerciale très limitée. Il faut attendre 1837 pour voir naître le daguerréotype. Cette nouvelle technologie finit par réduire la durée de captation de 8 heures à 2 minutes environ au fur et à mesure des évolutions. La reproduction photographique de la figure humaine est désormais possible.

Les trois hommes figurant sur l’épreuve argentique de notre lecteur semblent avoir posés rapidement car présentant des postures naturelles. S’il est impossible en l’espèce d’affirmer quel procédé a permis l’obtention de ce cliché, il peut être daté du tout premier quart du XXe siècle. Les habits des personnages sont des indices pour l’affirmer. Le pantalon de golf, qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui porté par le célèbre photoreporter dont le fief est Cheverny, est effectivement la tendance du vestiaire masculin dans les premières décennies du XXe siècle.

Les trois hommes figurent devant un monument dont la forme se distingue à peine. Les branches et le reste de la végétation ont pris place sur cette construction de briques et petits appareils. Mais que peut-il être ? Une gravure de 1849 par Gervais Launay nous l’apprend. Elle figure la tour de Grisset située sur la commune de Fréteval dans le Loir-et-Cher, au nord de Vendôme. Or à l’époque, la tour n’est pas cachée par la végétation, mais seulement entourée de deux arbres. En plus de cinquante ans, la nature a repris ses droits sur ce vestige gallo-romain construit vraisemblablement au IIe ou IIIe siècle ap. J.-C. Ce monument se présente aujourd’hui comme la ruine d’un petit temple appelé fanum. Au moment de sa construction, cet édifice n’était pas isolé. Des études ont soulevé la présence d’un ensemble thermal et d’une série d’autres constructions. Les recherches historiques et archéologiques commencent au milieu du XIXe siècle et reprennent au début du XXe siècle. Apprentis archéologues appelés aussi « antiquaires » se regroupent sur tout le territoire national dans des sociétés savantes.

Le Vendômois n’y échappe pas. Ainsi la Société archéologique scientifique et littéraire du Vendômois est née en 1862 après une sortie justement à Pérou et Fréteval. Elle publie notamment sur cette tour, un article savant en 1914 dans son Bulletin. En ce sens, il est probable que les trois hommes figurant sur ce tirage soient des érudits locaux venus observer et visiter ces décombres de l’antiquité. Longtemps président inégalé de cette société savante pendant 26 ans, ayant regroupé 500 membres...et plus jeune président d’une société savante de France - je peux en témoigner. Désormais je ne peux que vous renvoyer aux permanences des mercredi et vendredi après midi à l’hôtel du Saillant à Vendôme, parc Ronsard, siège de cette docte société savante, où mes remplaçants pourront peut-être vous aider à identifier les personnages, comme la dater. Quoi qu’il en soit une inscription au verso ou tout timbre ou marque du photographe pourrait utilement donner des éclaircissements.

Ce tirage à défaut, peut être estimé symboliquement autour de 20 euros. Il vous en coûtera sûrement moins de prendre le chemin des champs pour vous balader et pourquoi pas photographier cette fameuse tour de Grisset. Car que la France est diverse et belle - plus encore en période de déplacements limités. Bonnes vacances à tous, bonne chine et à la rentrée avec vos découvertes et trésors de l’été !
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