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Le livre du sacre de l’Empereur : un monument de papier

Samedi 25 juillet 2020 à 07h

Cette semaine, Thomas nous fait parvenir la photographie d’un livre sur le Sacre de Napoléon. Me Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



« Le sacre de S.M. l’Empereur Napoléon dans l’église Métropolitaine de Paris, le XI Frimaire An XIII, Dimanche 2 décembre 1804 ». À lui seul, le titre de cet ouvrage est un programme, sinon un pan considérable de notre histoire de France, dont tout à chacun à connaissance. Si les leçons apprises sur les bancs de l’école y sont pour quelque chose, le fameux tableau de David, conservé au Louvre, y est aussi pour beaucoup. Le premier peintre de l’Empereur illustre l’instant mémorable où Napoléon couronne lui-même son épouse Joséphine de Beauharnais, devenue impératrice. S’il pousse à son paroxysme le genre du portrait et de la peinture d’histoire contemporaine, il n’empêche que David s’est permis quelques libertés. La fameuse présence de la mère de l’Empereur est sans doute l’anecdote la plus connue. Letizia Bonaparte assiste à la scène et figure en bonne place, alors même que cette dernière se trouvait à Rome au moment de la cérémonie. Petit mensonge historique !

À la différence du tableau de David, le livre de notre lecteur ne rapporte et n’illustre pas qu’un moment de la cérémonie. Si l’exemplaire est bien complet, ses illustrations débutent par la Sortie du palais des Tuileries, présentent ensuite l’Arrivée à Notre-Dame puis les Offrandes, figurent le Serment de l’Empereur avant de conclure par la Distribution des Aigles et la représentation des costumes des membres de l’assistance. Mais qui a participé à la réalisation de ce monument de papier ? La liste des artistes qui concourent à son exécution est fournie dans les dernières pages. Jean-Baptiste Isabey, Pierre Fontaine et Charles Percier figurent au rang des dessinateurs. Au delà du livre, ces artistes protégés par le couple impérial participent à l’organisation et la décoration de la cérémonie du sacre. Isabey livre notamment les dessins des costumes des princes, du premier président de la Cour de cassation ou des maires de ville. Certaines de ces illustrations sont publiées grâce aux gravures fournies par Jean et Urbain Massard entre autres.

L’ouvrage de notre lecteur tend à glorifier Napoléon Ier en le présentant en empereur romain. Ce souhait est particulièrement visible sur la page de garde de notre exemplaire. L’auteur de la composition exalte l’iconographie antique au travers de renommées entourant l’aigle surmonté de la couronne impériale. En dessous, Charles Percier figure un médaillon montrant Napoléon Ier sur un quadrige. Sa composition et son dessin ne sont pas sans rappeler le relief de l’Arc de Titus construit à Rome par Domitien en 81 ap. J.-C. La référence à l’antiquité est un leitmotiv sous l’Empire. Napoléon fait de la France le nouvel empire et de Paris la nouvelle Rome. Cette vision se voit dans la construction de tous les monuments parisiens, comme l’Arc de triomphe du Carrousel dont le dessin est une fois encore livré par Charles Percier et Pierre Fontaine !

La tâche est considérable pour imprimer tous les ouvrages du sacre. Le livre n’est pas encore terminé à la chute de l’Empire en 1814. Les historiens rapportent même qu’il a été diffusé par cadeau de Louis XVIII ou de dignitaires de la maison du roi et les artistes payés sous la Restauration… La monarchie acculée par les dettes finance le faste de l’Empire déchu. Un comble ! Pour ce qui est du prix de l’exemplaire de notre lecteur, il semble falloir rester modeste, en raison de son état de conservation et de son édition. D’après photographie, il est peu probable qu’il soit un exemplaire d’origine. Partant, sa valeur serait entre 100 et 200 euros sous réserve d’un examen physique.
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