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Percer le coeur d'une reine

Vendredi 14 mars 2014

Valérie nous envoie les photos "d'un meuble ancien récupéré chez mes grand parents et je n'y connais rien ; je pense que c'est de l'époque d'Henry II mais pas sûre...... J'ai besoin de vos conseils." Maître Philippe Rouillac, commissaire-priseur, lui apporte ses lumières.

Valérie nous envoie les photos "d'un meuble ancien récupéré chez mes grand parents et je n'y connais rien ; je pense que c'est de l'époque d'Henry II mais pas sûre... J'ai besoin de vos conseils." Maître Philippe Rouillac, commissaire-priseur, lui apporte ses lumières.

L'écrin en or du cœur d'Anne de Bretagne est exceptionnellement exposé à partir de ce samedi 15 mars au château royal de Blois ; là même où la duchesse de Bretagne, et deux fois reine de France, expira il y a un demi millénaire. Cette précieuse relique, chef d'œuvre de l'orfèvrerie blésoise à la Renaissance, rappelle combien nos souverains ont marqué, non seulement la vie publique, mais aussi, la vie artistique et culturelle à leur époque.

Le meuble de notre lectrice nous fait faire un saut de génération, puisqu'il renvoi au règne du petit-fils d'Anne de Bretagne, Henri II. Celui-ci monte à l'âge de 28 ans sur le trône de France, lorsque son père le roi François Ier meurt en 1547. Le roi est mort, vive le roi ! Henri II vit vite, très vite, en enchaînant succès et défaites miliaires, conquêtes amoureuses et diplomatiques, bâtissant le Louvre et s'entourant d'une pléiade d'artistes. Il meurt jeune, très jeune, avant 40 ans, comme une idole des sixties, victime d'un accident lors d'un tournois chevaleresque. Son souvenir est moins présent, en Loir-et-Cher, que celui de son épouse, la reine Catherine de Médicis, dont le cabinet aux tiroirs secret du château de Blois fait rêver et trembler des générations de visiteurs, obnubilés par ses potions secrètes et autres poisons fantastiques !

Le meuble qui nous est soumis constitue la partie haute d'un meuble plus important. Peut-être était-il posé sur une console ou sur un buffet, à la manière d'un dressoir. Réalisé en bois sombre, il est fortement architecturé. Observez donc ces deux colonnes cannelées qui encadrent de part et d'autre la partie centrale. Cette dernière est ouverte comme une vitrine, avec deux tiroirs et des parties planes qui cachaient probablement une cachette secrète...On croirait voir la façade d'un palais ou d'un château! Les sommets de chaque colonne, les chapiteaux, sont sculptés d'un encrier et d'une plume.

Ces attributs de la littérature rappellent que les génies de la Renaissance étaient avant tout de grand humanistes. Les qualités de peintres, d'architectes, d'écrivains, d'hommes de guerre, de théologien ou de galants hommes, de poètes ou de courtisans se conjuguaient avec cœur et talent en une seule personne. Et quand les exploits sur le théâtre militaire, quand les chatoiements des costumes de velours de soie ou de brocarts ne suffisaient pas à séduire une femme, rien ne valait, hier comme aujourd'hui, un sonnet ou un quatrain pour percer le cœur d'une reine ! Comment résister à Pierre de Ronsard, Mesdames, lorsqu'il vous invite ainsi : "Douce Maîtresse, touche, / Pour soulager mon mal, / Ma bouche de ta bouche / Plus rouge que coral ; / Que mon col soit pressé / De ton bras enlacé." ?

Réalisé plusieurs siècles après l'apogée d'Henri II, ce meuble de style est malheureusement incomplet et un peu trop massif pour se plaire dans un intérieur du XXIe siècle, aussi son estimation en vente publique tourne autour d'une centaine d'euros. À défaut de faire fortune, précipitez-vous pour admirer le cœur de la duchesse Anne au château royal de Blois !
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