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Spectaculaire allégorie féminine

Dimanche 24 mai 2020

L'émouvante découverte d'un drapé à l'antique à la fin du XVIIIe siècle

École probablement FRANÇAISE de la fin du XVIIIe siècle

Allégorie féminine

 Pierre sculptée.
 
Haut. 270, Larg. 99, Prof. 87 cm.
à la base : 65 x 72 cm.
(accidents, restaurations et manques).
 
Female allegory in carved stone, probably from the French school of the late eighteenth century.

« Lorsque nous faisons un personnage habillé il faut d’abord dessiner un nu que nous drapons ensuite de vêtements », Alberti

 
La découverte sous les cendres du Vésuve de la ville Herculanum, et sa fouille à partir de 1738, conduit toute l’Europe à redécouvrir les chefs-d’œuvre des maîtres anciens. Le comte de Caylus précède le voyage du marquis de Marigny en Italie. À leurs retours en France, l’un est honoré par l’Académie et l’autre devient directeur des bâtiments du Roi, insufflant le goût de la beauté idéale aux artistes du Royaume. Les traités sur la sculpture grecque, à commencer par l’ouvrage fondateur de Winckelmann, participent à cette émulation pour les œuvres antiques, dont on retrouve les sources de l’iconographie et le traitement du vêtement de cette émouvante sculpture.
 
Probablement placée en extérieur, pour orner la façade d’un bâtiment disparu, notre allégorie est à l’état fragmentaire, avec ses manques et restaurations anciennes. Mais comme l’écrivait Chateaubriand, « les ruines ont des harmonies particulières avec leur désert… »  Malgré les outrages du temps, il est possible d’imaginer sa composition initiale et son iconographie. La femme aux cheveux noués par un bandeau semble diriger son regard vers le bas, esquissant un sourire dans la direction de ce qui devait être son bras. Elle s’appuie de sa main gauche sur une colonne. L’Iconologia de Cesare Ripa, publiée en 1593, apporte des clés de lecture. Cette source d’inspiration pour les artistes de la fin de la Renaissance jusqu’au XVIIIe siècle, donne des descriptions et des modèles de personnifications allégoriques, vertus ou vices, en leur prêtant des attributs. Cette colonne sur laquelle elle s’appuie est le rare symbole subsistant de notre allégorie. Selon le traité de Ripa, elle peut accompagner la « Constance » tout la comme la « Seureté ». Si la première tient un glaive, la seconde tend une lance. L’une de ces deux armes était donc l’autre attribut de cette femme, contrastant avec la délicatesse de sa tenue.
 
Un drapé antique, traité avec volupté de tissus mouillés habille notre sculpture. Cachant son corps tout en l’exaltant, le sculpteur, aujourd’hui anonyme, propose une anatomie précise, seulement dissimulée par ces plissés. Les courbes de la poitrine et la délicatesse du nombril, bien que voilés, illustrent la parfaite idéalisation du corps féminin. Cette esthétique n’est pas sans rappeler celle de la Vénus Génitrix, dont la copie romaine du début du IIe siècle après J.-C. est découverte en Arles en 1650. L’auteur de notre sculpture suit la leçon enseignée par Alberti, le père du traité De Pictura, qui considère entre autres qu’il est préférable de « dessiner un nu [pour le] draper ensuite ». Mais plus qu’une représentation fidèle, les plis de la tenue proposent un jeu entre le visible et l’invisible pour opérer chez le spectateur une véritable fascination. Le drapé entre au service de l’émotion.
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