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« Ma racine est au fond des bois »

Vendredi 10 juillet 2020 à 07h

Cette semaine, Chantal d’Ille-et-Vilaine nous fait parvenir la photographie d’une paire de vases en verre « qui ressemble beaucoup à des Legras » et qui voudrait savoir si ce sont des vrais. Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, partage son avis.



Le titre de cet article est une citation d’Émile Gallé : l’artiste le plus fécond de « l’Art Nouveau » en France autour de 1900. Son nom est même entré dans le langage courant. François-Théodore Legras est lui aussi un maître-verrier influent, qui s’inspire des productions de Gallé, sans jamais atteindre sa célébrité. On retrouve chez ces deux hommes un goût très prononcé pour la nature, qui se reflète dans des motifs ornementaux presque botaniques.

La paire de vase présentée par Chantal rappelle inévitablement à l’amateur les productions de Legras. Leur ligne d’abord, est caractéristique de cette époque. Ils mesurent une trentaine de centimètres de haut, prenant la forme d’un vase cornet mais avec une base renflée en boule. Ensuite, le col du vase dessine des vaguelettes ; on parle de col « pincé ». Il s’agit pour le maître-verrier d’étirer avec une pince le verre lorsqu’il est encore chaud pour y sculpter de façon régulière une ondulation. Cette technique est tout particulièrement emblématique de Legras, toutefois il n’est pas le seul à l’utiliser.

Le verre est légèrement teinté en vert dans la masse, prenant l’aspect d’un verre dit « givré ». En effet, les vases de Chantal ne sont pas translucides. Il existe deux façons de givrer le verre, une première artisanale par sablage à la colle d’os, une seconde industrielle avec de l’acide. Leur décor est composé de deux branches fleuries entrelacées. On connaît chez Legras, les décors peints, les décors émaillés et les décors gravés à l’acide. Sur photographie, il semble que les fleurs de la paire de vases de Chantal soient produites en appliquant une peinture métallique fixée sur le verre par une cuisson. C’est ce que l’on appelle l’émail.

Les fleurs des vases de Chantal sont difficiles à identifier car elles ressemblent à des fleurs des champs ou de forêt. C’est au cœur de celle de Darney, dans les Vosges, que François-Théodore Legras se forme. Simple commis en 1863 il devient quelques années plus tard le directeur d’un gigantesque atelier près de Paris. Sensible à la nature, il est l’un des premiers à s’ouvrir à l’Art Nouveau en dehors de Nancy, foyer du mouvement. Ces productions sont aujourd’hui injustement boudées des collectionneurs, alors qu’il était, en 1900, le directeur de la partie verrerie et cristallerie de l’Exposition Universelle de Paris. Une consécration pour cet artiste prolifique !

Expertiser un vase de Legras c’est souvent, expertiser une signature, tellement celles-ci varient d’année en année. De « Leg » peint à « LegraS » gravé, il est possible de dater un vase uniquement grâce à ces marques… on en connaît au moins vingt-huit différentes ! Malheureusement, la paire de vases de Chantal n’est pas signée. Il existe certes, des vases Legras authentiques non-signés, mais seule leur beauté et leur raffinement permet à l’amateur de les identifier.
La paire de vase de Chantal, est d’une qualité moyenne, sans signature il est impossible de les attribuer à Legras. On pensera plutôt au travail d’une manufacture plus tardive qui s’en inspire.
Pour des authentiques Legras d’une qualité équivalente en bon état on pourrait proposer une estimation de 150 à 300 euros, pour ceux de Chantal il s’agit plutôt 50 à 80 euros.

N’est pas Gallé qui veut !
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