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Meunier tu dors !

Samedi 25 janvier 2014

Ghislain nous envoie cette semaine les images d'une pendule et d'une paire de candélabres offerts à la grand-mère de sa grand-mère, qui était meunière. Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, évoque pour lui la tradition des garnitures de cheminées sous le Second Empire.

La mesure du temps s'est maîtrisée progressivement : depuis les clepsydres antiques jusqu'aux montres à quartz japonaises, en passant par les sabliers moyenâgeux, par les montres oignons sous l'Ancien Régime puis savonnettes à la Belle Époque...Vers le milieu du XIXe siècle,l'industrie horlogère est parfaitement organisée: les innovations techniques sont moins recherchées que les qualités esthétiques des horloges. La France est en pleine "Révolution industrielle". Le règne de Napoléon III, apporte la stabilité politique et la prospérité économique. À l'instar de ce qui se passera un siècle plus tard, pendant les Trente Glorieuses alors que chaque ménage français achetait une voiture et un poste de télévision,chaque famille bourgeoise veut, sous le Second Empire, se meubler confortablement : au goût du jour. Fauteuils capitonnés et peintures de paysages de l'École de Barbizon envahissent les intérieurs,éclairés par de belles lampes à pétrole en porcelaine, et protégés par des meutes d'animaux en bronze signés des sculpteurs à la mode.

Les pendules trouvent naturellement leur place sur une commode,sauf lorsqu'elles sont flanquées de part et d'autre de candélabres.Elles trônent alors sur le linteau des cheminées en guise de garniture, chacun demandant à son horloger un modèle de qualité qui lui ressemble. La trisaïeule de notre lecteur s'est ainsi vu offrir une garniture de cheminée rappelant le statut enviable de son époux: meunier. Une jeune meunière est adossée au-dessus de la pendule à un moulin, nourrissant tendrement trois oiseaux. Les attributs du blé et des moissons, avec faux, gerbe et panier fleuri, ne laissent planer aucun doute sur le travail céréalier de la famille. Mais comme dans la chanson, "Meunier tu dors" le meunier n'avait pas tant la réputation de dormir que de séduire les femmes attendant que la meule transforme le grain en farine... Cette pendule est la réponse illustrée du berger à la bergère. La jeune femme cajole en effet trois colombes, symbole des messages amoureux. Cette allégorie est aujourd'hui dépassée par les textos et autres courriels.Elle est ici renforcée par les deux faunes, mi enfant-mi bouc, qui portent chacun cinq lumières de part et d'autre de la pendule.Ils appartiennent au cortège mythologique de Bacchus, le dieu du vin. L'un d'eux rythme d'ailleurs la bacchanale au son joyeux des cymbales !

La qualité d'une garniture varie d'un modèle à l'autre. La qualité du mécanisme, l'absence de finesse des détails et la ciselure du métal, ne sont malheureusement pas ici au rendez-vous. Si notre lecteur grattait sous la pendule la patine brune du métal, il ne découvrirait probablement pas le jaune étincelant du bronze, mais celui plus terne d'une imitation bon marché : le régule. En l'espèce, cette garniture de cheminée peut être estimée autour de 200 euros en vente publique. Nous en vendrons d'ailleurs un grand nombre de toutes qualités dimanche et lundi à l'hôtel des ventes de Vendôme. Chacun est invité à venir comparer les différences de ces pendules et de leur métal. Il reste à notre lecteur à nettoyer sa pendule et à la remonter, pour que sonnent à nouveaux les douze coups de minuit, qui ne manqueront pas de réveiller en pleine nuit la meunière et son meunier !
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