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Un déjeuner confiné… en 1965 sur le France !

Samedi 02 mai 2020

La Nouvelle République, Que valent vos trésors ?

Cette semaine, Isabelle nous fait parvenir la photographie d’un menu pantagruélique. Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, donne son avis.

La photo envoyée par Isabelle nous plonge avec nostalgie à bord d’un joyau des mers : le France. Cette simple feuille de carton ornée sur sa face d’une illustration polychrome, raconte à elle seule l’art de vivre à la française. L’art de vivre en gastronome mais aussi l’art de vivre en voyageur !

Le France, mis à l’eau le 11 mai 1960, était l’un des fleurons de la Compagnie Générale Transatlantique. Si tout le monde connaît le très british Titanic, il ne faut pas oublier que l’hexagone fut et demeure l’un des principaux constructeurs de paquebot grâce aux chantiers navals de Saint-Nazaire. La traversée transatlantique, permettant de rallier New-York à la vieille Europe, devient l’occasion pour la France et l’Angleterre de se livrer une bataille de vitesse sur les mers. Le Titanic coule d’alleurs alors qu’il tente de battre le record de la traversée et de remporter le célèbre « Ruban bleu » saluant le navire le plus rapide du monde.

Navire emblématique des années 1960, le France a été construit à une époque où le vol transatlantique était déjà devenu la norme. Pourquoi traverser l’océan en près de cinq jours alors que, dès 1976, il est possible de rallier Paris à New-York en moins de trois heures à bord du Concorde ? Luxe, calme et volupté… La croisière sur le France est une expérience qu’il faut savoir apprécier. Les plus grands artistes de l’époque travaillent à son décor : tapisseries de Jean Picart le Doux, verreries de Max Ingrand, peintures de Louis Vuillermoz, la Compagnie Transatlantique fait de son paquebot un véritable ambassadeur du Beau à la française.

Mais que serait l’Art de Vivre français sans sa gastronomie ? Le Menu présenté par Isabelle comporte quinze différentes rubriques pour les mets, et deux rubriques supplémentaires pour les infusions et les vins. On ignore si un passager a déjà eu assez de fougue pour dévorer l’ensemble des plats, mais leur profusion aurait pu donner le tournis à Gargantua lui-même. On se demande alors quel jour particulier de l’année impose un pareil festin, même pour un voyageur de première classe. Il s’agissait du 29 juin 1965, a priori un jour comme les autres ! Si le menu d’Isabelle n’y gagne pas en intérêt pour les enchères, il est en revanche parfaitement révélateur de ce qu’était un jour ordinaire à bord du France : un moment magique.

Il existe des collectionneurs de menus de restaurant. Ces derniers peuvent tenir leur intérêt des célébrités présentes au repas, du caractère exceptionnel des délices ou vins y figurant, ou, comme ici, de l’établissement donnant la réception. Soucieux du détail, la Compagnie Transatlantique demandait à un artiste de réaliser une illustration pour l’orner. Ici Georges Rohner était à la manœuvre : professeur aux beaux-arts de Paris, un chantre du retour au dessin, qui fonda un mouvement oublié appelé les : « Forces Nouvelles ».

Absente des photographies d’Isabelle, son œuvre figure peut être un bouquet de fleur comme c’était le cas pour son illustration du menu du 23 décembre 1964 que nous avons retrouvée.
Isolé, ce menu du France, peut être estimé autour d’une dizaine d’euros. C’est peu, mais lorsque l’on tient une véritable collection les prix peuvent alors s’envoler.

En ces derniers jours de confinement, vous pourrez y trouver l’inspiration pour une farandole de desserts version sixties : « danycheff aux amandes » et « pudding brésilien ». Pour les autres la mer à perte de vue.
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