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Banzai ! Le dernier samouraï

Samedi 18 avril 2020

Cette semaine, un Lucien nous fait parvenir la photographie d’un cavalier asiatique. Me Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, donne son avis.



Le cavalier en fonte que nous propose Lucien est typiquement asiatique par ses traits comme son costume, mais on s'interroge sur sa véritable origine. Est-ce un cavalier chinois ou japonais ?

Il est vrai qu'on songe d'abord aux gardiens de tombe appelés mingqi, objets qui dans la Chine antique étaient inhumés avec le défunt pour recréer le monde des vivants. Si certains empereurs ont été enterrés avec une armée entière de fantassins de terre cuite, les cavaliers sont plus rares après l’an mille. Le cheval dans l'art chinois est bien souvent associé en sculpture aux loisirs nobles comme le jeu de polo. En peinture, on ne représente que l'empereur ou les immortels sur cette monture, parfois l'animal seul. Notre cavalier en fonte n'appartient donc vraisemblablement pas à l'Empire du Milieu, mais plutôt au Japon. Dans l'archipel nippon, le cheval revêt une importance capitale. Certains historiens pensent que l'origine de l'unification du pays est due à une culture de cavaliers originaires de Corée. Ceux-ci auraient conquis l'Empire du Soleil Levant au IVème ou Vème siècle de notre ère. Le cheval est également un symbole fort de puissance militaire. Notre cavalier est un soldat car il porte l’armure des samouraïs, le do. Il s'agit d'une armure faite de nombreuses lamelles de bois recouvertes de laque pour la rendre plus résistante et imperméable. La forme de cette cuirasse est caractéristique de celles portées par les guerriers nippons et leurs chefs, les daimyo. Ceux-ci arborent généralement sur le champ de bataille un casque impressionnant doté de cornes, le kabuto, qui les rend plus visibles pour que leurs troupes se fient à leurs ordres. Notre soldat porte lui une simple coiffe rigide qui doit protéger son crâne des flèches ennemies. Il porte au côté gauche son fameux katana, sabre légèrement incurvé à un seul tranchant dont la taille est imposée. En effet, au Japon la longueur de la lame est strictement régie par des règles immuables. Jusqu’à trente centimètres c’est un couteau, le tantō, jusqu’à soixante c’est un petit sabre, le wakizashi, au-delà de soixante c’est un katana. Seule la caste des samouraïs pouvait porter le katana et uniquement à l’extérieur des habitations. Brandir une lame plus longue que celle correspondant à sa caste était passible de mort !

L'équipement des guerriers japonais n'a que très peu changé durant des siècles, de l'époque de la cour de Heian (IXème siècle) jusqu'à la fin du XIXème. Pour son convaincre, il suffit de regarder les nombreuses illustrations du Dit du Genji, premier roman psychologique de la littérature mondiale écrit par une femme, Murasaki Shikibu, au Xème siècle. On y croise des princes arrogants, des princesses éplorées ou encore des cavaliers belliqueux comme le nôtre. C'est ce même grand récit qui a inspiré le décor des panneaux de laque du fameux coffre de Mazarin que nous avons eu l'honneur d'adjuger 7,2 millions d'euros en 2013, souvenez-vous !

Pour le cavalier de Lucien, il conviendra de rester plus prudent car la fonte paraît moderne, assez typique d'une production folklorique de la seconde moitié du XXème siècle. Détail amusant, l'œuvre est en deux parties : le cavalier peut ainsi descendre de sa monture. En vente aux enchères, il serait estimé de 80 à 120 €. Peut-être pas une fortune mais largement de quoi s'offrir un bon repas au restaurant japonais en l'honneur de ce cavalier, et du déconfinement - à vous les makis, yakitoris et autres nouilles udon sautées !
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