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Custode pour communier confiné

Samedi 11 avril 2020

La Nouvelle République, Que valent vos trésors ?
par Aymeric Rouillac

Bruno, à Blois, nous adresse le trésor de la semaine : « un objet religieux en argent poinçonné et doré ». Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, l’éclaire.

Une rapide recherche sur internet apprend que les « Vases sacrés » font davantage le bonheur des cruciverbistes français que des authentiques chasseurs de trésors. Qu’elle est loin la quête du Graal par les Chevaliers de la table ronde… Qu’il est loin l’esprit aventurier d’Indiana Jones dans la Dernière croisade ! Cet « objet religieux » est en effet l’un de plus petits « vase sacré » jamais créé. On l’appelle une « custode ». Pour comprendre son utilité et dévoiler son usage sacré, il faut rappeler l’origine de ces vases, il y a deux mille ans, dans la province romaine de la Palestine, où vivait le peuple hébreux.

Célébrant le grand repas juif de la Pâques, un homme réunit une dernière fois ses amis pour dîner. C’est Jésus de Nazareth. Le partage lié à la convivialité de la table est essentiel dans sa vie : depuis son premier miracle à Cana, changeant l’eau en vin lors d’un mariage jusqu’à cette dernière Cène, en passant par la multiplication des pains et poissons pour une foule affamée. Son disciple Luc raconte la suite du repas dans son évangile : « Ensuite il prit du pain ; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le leur donna, en disant: Ceci est mon corps, qui est donné pour vous; faites ceci en mémoire de moi. » Puis il fit de même avec la coupe de vin. Né dans l’imagination du romancier Chrétien de Troyes au XIIIe siècle, le saint Graal serait ce premier « vase sacré » qui contenait le pain et le vin changé en corps et sang du Christ. Pour avoir vécu quelque temps au Proche Orient et assisté à des cérémonies en langue araméenne, celle parlée par cette bande d’amis, j’imagine volontiers que tout le monde était assis à même le sol, que le pain en question était une de ces larges galettes que l’on cuit et partage encore et que les plats de service étaient dans une terre cuite très ordinaire.

Cette coupe est ainsi devenue le symbole de la « Nouvelle Alliance entre Dieu et les hommes », qui sont invités à reproduire ce geste chaque jour lors de la « messe ». À cette occasion, le pain et le vin sont à nouveau consacrés et partagés autour d’une table appelée « autel ». Opposant violemment Catholiques et Protestants à la Renaissance, la question de savoir si le Christ est « réellement » présent et non pas « symboliquement » dans ce pain et ce vin a été tranchée par l’affirmative lors du Concile de Trente en 1563. Une batterie de « Vases sacrés » est donc créée pour le service de la messe. Ainsi le « ciboire » est consacré au pain et le « calice » au vin. Mais quelle douleur pour les croyants malades, devant rester chez eux, de ne pas pouvoir partager ce repas ni de « communier ». Un vase sacré portable, sous la forme d’une petite boite en métal, est donc créée : la « custode ». À la fin de la messe le prêtre la confie à un « député », chargé d’apporter la communion au malade confiné chez lui !

La célébration de la fête de Pâques, qui commémore la mort et la Résurrection de Jésus après son dernier repas, est particulière pendant ce temps de confinement. Chacun est invité à suivre les cérémonies depuis chez soi, devant le jour du Seigneur sur France 2 ou connecté à l’église de Montoire comme à la cathédrale Saint-Louis à Blois, mais sans avoir la possibilité de communier… même au moyen d’une custode ! En argent vermeillé, c’est à dire recouvert d’une pellicule d’or, le vase sacré de Bruno a une très faible valeur monétaire, en raison de son petit poids de métal précieux, mais a une forte valeur symbolique, pour laquelle, une fois n’est pas coutume, j’invite notre lecteur à en faire don à une communauté, qui saura continuer à la faire vivre comme… un « vase sacré ». Joyeuse fête de Pâques à toutes et à tous !
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