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Pour prendre le thé

Samedi 26 octobre 2013

Cette semaine un lecteur de Maves souhaite connaître l’origine d’une tasse en porcelaine. Maître Philippe Rouillac, commissaire-priseur, lui répond.

Cette semaine un lecteur de Maves souhaite connaître l’origine d’une tasse en porcelaine. Maître Philippe Rouillac, commissaire-priseur, lui répond.

La porcelaine rime, dans les esprits, avec Limoges et Sèvres. Aujourd’hui nous la conjuguons avec Paris. Carla Ville Lumière est, au XIXème siècle, un centre porcelainier de premier ordre. La découverte du kaolin non loin de Limoges vers 1768 entraîne la prolifération des manufactures de porcelaine à Paris. À la fin du XVIIIème, elles sont quatorze dans la capitale et leur nombre ne cessera d’augmenter. Au début du XIXème, le processus d’industrialisation des procédés de fabrication s’amplifie, entrainant la démocratisation de ce matériau qui n’est désormais plus synonyme de luxe. La demande augmente et la production aussi. Mais, à partir de 1830, Paris devient trop chère pour les usines qui désertent la capitale au profit de la banlieue et de la province. Elles offrent la proximité, soit de forêts (dont le bois est essentiel au fonctionnement des fours), soit de gisements de matières premières. En revanche, la décoration des « blancs » se fait toujours à Paris et les ateliers artisanaux se développent considérablement. La Porcelaine de Paris, plus communément appelée "Vieux Paris" par les antiquaires, est une porcelaine à pâte dure, d'un blanc pur, laiteux et très brillant. L’or est très souvent présent dans ses décors.

Cette tasse à thé et sa sous-tasse en sont un bel exemple. Légèrement évasée, elle présente des côtes saillantes et repose sur un piédouche. Elle reçoit un riche décor polychrome de fleurs au naturel et d’oiseaux dans un encadrement rocaille de volutes feuillagées peintes à l’or. Les couleurs fraîches et vives sont parfaitement mises en valeur par l’or environnant. Ce décor très pompeux de style Louis XV est typique des années 1840-1850 et va se poursuivre jusque vers 1880. En effet, le règne de Louis-Philippe rompt avec le style à l’antique de l’Empire et de la Restauration et entraîne les esprits à revisiter les styles passés. Ceci fait dire à l’industriel Flachat : « L’Art s’éparpille, l’industrie le soumet à ses besoins en attendant qu’il reconnaisse ses lois ». Cet objet est en outre le fruit du développement dans la bourgeoise française d’une nouvelle pratique à partir de 1840 : la dégustation du thé. Cette tasse à thé et sa sous-tasse nous narrent l’histoire d’une époque de grands changements. Elles illustrent l’industrialisation de notre pays, le bouleversement des Arts Décoratifs et une nouvelle pratique, l’heure du thé, jusqu’alors totalement anecdotique.

Ce travail est de qualité mais assez commun. Il ne présente pas de marque et son manque d’originalité rend difficile son attribution à un atelier. On remarque quelques manques à l’or, notamment sur le contour de la tasse. Cette dernière est malheureusement seule et ce type de production, relativement courante n’a une certaine valeur que lorsque le service est complet (tasses, théière, sucrier et pot-à-lait). Comptez environ 20 €. De quoi patienter en attendant le retour des fleurs printanières, au coin du feu, avec une infusion.
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