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Une pendule du XIXe sonnant l’été

Samedi 04 avril 2020 à 07h

Cette semaine, une lectrice de Salbris nous fait parvenir la photographie d’une « pendule en marbre de style Napoléon III ». Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



Voilà bientôt une semaine que nous avons changé d’heure… et personne ne s’accorde pour savoir si nous avons passé une heure de plus ou une heure moins confiné ! Mais connaissez-vous l’origine du passage à l’heure d’été ? Le premier changement d’heure a été décidé en Allemagne, en 1916, pour des raisons d’économie d’énergie. Cette modification horaire permet en effet de réduire la consommation de l’éclairage artificiel, comme le soleil brille plus longtemps. Le Royaume-Uni et la France, qui partagent à cette époque le même fuseau horaire, suivent rapidement l’exemple allemand. Mais la Seconde Guerre mondiale donne lieu en France à un imbroglio sans nom. Le territoire étant scindé en deux, les Allemands imposent au Nord une heure d’été calculée sur leur propre méridien, tandis que les Français de la zone libre continuent d’indexer l’horaire sur le méridien de Greenwich ! Le trafic des chemins de fer entre les deux zones est des plus perturbés. En 1941, la zone libre se résout à régler sa montre sur le fuseau horaire allemand pour mettre fin au désordre ferroviaire. À l’issue du conflit, la France abandonne l’heure d’été, mais conserve l’heure indexée sur le fuseau de Berlin. Il faut attendre le premier choc pétrolier, en 1976, pour que soit réinstauré en France le changement à l’heure d’été. Économie et écologie sont les maîtres-mots !

La pendule de notre lectrice a connu tous ces changements et en connaîtra peut-être d’autres ! Réalisée durant la seconde moitié du XIXe siècle sous le règne de Napoléon III, cette pendule de « forme borne » se compose d’un marbre noir et d’un marbre vert. Un grand classique de l’époque qui se retrouve sur les cheminées de toutes les bonnes maisons. Le cadran indique les heures en chiffres romains. Les minutes sont signalées par des bâtonnets. Les aiguilles prennent la forme de fleurs de lys, rappelant l’origine française de la pendule et les opinions probablement monarchistes de son propriétaire. Le cadran présente les mentions suivantes : « Maison du Nègre / Bard St Denis, 19/ Paris ». Tout est dit ! La « Maison du Nègre » est un important fournisseur parisien d’horlogerie, de joaillerie, d’orfèvrerie et d’objets d’art en tout genre. Installée 19, Boulevard Saint-Denis, cette maison bénéficie aussi d’un local au 2 rue Vignon. Le Musée Carnavalet conserve aujourd’hui l’enseigne du magasin qui s’inspire du portrait de Toussaint Louverture. Ce célèbre militaire français de couleur noire, fait figure de chef de la Révolution haïtienne. Il se présente comme un personnage majeur du mouvement de décolonisation et s’oppose avec bravoure à Saint-Domingue aux troupes du général Leclerc envoyées par Napoléon Bonaparte. Après une bataille acharnée, Toussaint Louverture est capturé et ramené en métropole où il meurt emprisonné en 1803. À l’ouverture en 1817 de la boutique du boulevard Saint-Denis, le portrait de Louverture devient populaire en souvenir de son opposition à Napoléon désormais déchu.

Il n’est pas rare de croiser en vente aux enchères des pendules bornes d’époque Napoléon III. Malgré toutes leurs qualités décoratives, celles-ci sont aujourd’hui moins recherchées. La pendule de notre lectrice peut être estimée entre 100 et 150 euros. Plutôt qu’elle s’en sépare, je l’invite à la remontrer et passer à l’heure d’été !
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