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Maison de ventes : l'étude explosive qui dévoile les vrais bénéfices

Jeudi 02 avril 2020

The Art Newspaper daily, par Alexandre Crochet


Loin des chiffres de ventes parfois astronomiques, une analyse publiée par Plimsoll révèle des surprises et des disparités inattendues au sein des sociétés de ventes publiques en France, ainsi qu'une rentabilité souvent fragile.

Chaque fin d’année, les maisons de ventes françaises publient leurs résultats. Grâce à quelques enchères millionnaires surprises ou pas, ou à une grosse collection, le bilan peut être flatteur. Mais il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg : il ne détaille que le volume des vacations. Une étude confidentielle et payante de 374 pages publiée cette année par la société d’analyse économique Plimsoll s’est penchée sur les vrais chiffres de ces sociétés, à savoir leur situation financière et leur rentabilité. Pour ce faire, elle a analysé leurs bilans de l’année 2018 déposés auprès des greffes des tribunaux de commerce. Et le fruit de cette étude est pour le moins surprenant.

L’étude dresse le top 50 des sociétés en termes de parts de marché en fonction de leur chiffre d’affaires (qui correspond surtout aux honoraires acheteurs et vendeurs). En 2018, Christie’s a dégagé un chiffre d’affaires de 98 millions d’euros en cumulant Christie’s France SAS (la structure juridique englobant les employés) et SNC (la maison de ventes) ; Sotheby’s de 63,2 millions ; Artcurial SAS et Artcurial de 40,9 millions ; Millon 9,3 millions ; Pierre Bergé & Associés de 9,1 millions ; Piasa de 8 millions ; Cornette de Saint Cyr de 5,2 millions ; Rouillac de 4,1 millions ; Tessier Sarrou de 3,6 millions ; Gros & Delettrez de 3,5 millions ; Binoche & Giquello de 3,5 millions, presque à égalité avec De Baecque... Dans le top 5 des meilleures entreprises du marché (croissance des ventes et force financière) apparaissent en premier Baron Ribeyre & Associés, Christie’s France et Rouillac.

Puis l’étude aborde le point sans doute le plus significatif : la rentabilité, soit le bénéfice avant impôt. Elle ne mentionne pas le produit d’adjudication réalisé, mais il est facile de l’inclure pour rendre la comparaison parlante. Ainsi, pour un volume de 251,4 millions, Sotheby’s a dégagé 8,7 millions d’euros de bénéfice avant impôts. Christie’s, qui a cumulé 234,3 millions, a engrangé 5,1 millions ; Rouillac 2 millions pour un résultat de 13,1 millions ; soit autant qu’Artcurial, 2 millions seulement pour un produit de 195,3 millions d’euros. Pierre Bergé & Associés avait récolté 1,9 million d’euros pour 44 millions d’euros de produit, après une année 2017 en perte de 1,1 million d’euros. Millon a tout juste cumulé 364 000 euros malgré un chiffre de 45,3 millions d’euros. De même pour Piasa, 272 000 euros pour 32 millions d’euros ou comme Binoche & Giquello 270 000 euros pour 21,8 millions d’euros ; FauveParis ne s’en est pas mal sorti avec 159 000 euros pour 4 millions d’euros, soit 14 % de
rentabilité, autant qu’Artcurial cette année-là ! Enfin, d’autres maisons, dont a fait partie Cornette de Saint Cyr avec 25 000 euros pour 31,2 millions de ventes, ont semblé proches de la ligne rouge…

Ces chiffres que beaucoup de maisons de ventes préféreraient tenir secrets révèlent que les grosses structures internationales (synonymes d’équipes pléthoriques, de frais importants, de commissions vendeurs parfois réduites à zéro...) dégagent certes des bénéfices coquets, mais avec pour un taux de rentabilité assez faible (3,4 % pour Sotheby’s en France en 2018 par exemple). Que beaucoup de sociétés de taille familiale ou employant au plus quelques dizaines d’employés restent fragiles. Que certains de façon inattendue – bonne gestion des coûts ? Rationalisation numérique ? – sortent du lot, tels Rouillac en région ou FauveParis dans la capitale. Toutes les sociétés n’ont pas communiqué leurs chiffres et donc manquent à l’appel, à l’exemple de Tajan ou Aguttes, qui a cessé en 2017 de rendre public son chiffre d’affaires.

« On observe un effritement de la marge moyenne de bénéfice des entreprises du marché à l’exception des grandes entreprises qui tirent encore leur épingle du jeu », explique Florent Lavenir, analyste chez Plimsoll. Selon l’étude, la rentabilité a chuté en moyenne en huit ans de 9 % à 4,5 %... Des chiffres qui éclairent la faillite récente d’une société comme Leclere, ou le placement en procédure de sauvegarde de Pierre Bergé & Associés Belgique, et ne sont pas de bon augure pour la suite, sachant le ralentissement déjà observé en 2019... Sauf à prendre un virage radical, en premier lieu technologique, « la pandémie de coronavirus, en stoppant l’essentiel de l’activité pendant plusieurs mois, risque de laisser plusieurs marteaux sur le carreau », avertit un acteur du marché.

https://www.plimsoll.fr/rapports-de-marche/ventes-aux-encheres
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