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Le pousse-pousse au crime

Vendredi 27 mars 2020

La Renaissance, Frédéric Sabourtin

Lors de la vente aux enchères de Cheverny, vendredi 13 juin, un pousse-pousse ayant appartenu à l'Impératrice Tu-Minh du Vietnam a crée la sensation dès le premier jour.

La guere d'Indochine aura-t-elle de nouveau lieu ? Alors que les représentants du gouvernement vietnamien venaient d'emporter pour 45.000 € (51.800 € avec les frais) l'enchère d'un pousse-pousse ayant appartenu à la mère du dernier Empereur de Siam Than-Thaï au tout début du XXe siècle, la conservatrice du musée Guimet (consacré aux arts asiatiques) a jeté un froid dans l'ambiance ensoleillée qui régnait à Cheverny...


Coup de théâtre sur le coup de marteau

Amateurs d'art, mais aussi de mise en scène, les Rouillac père et fils venaient juste d'abattre le marteau, sur la pelouse de l'orangerie du château, sous les objectifs des photographes immortalisant la scène. Les représentants du gouvernement du Vietnam, sur le pousse-pousse en bois dur du Tonkin avec des incrustations de nacre, décors de bouquets fleuris de roses, guirlandes de vignes, branchages et paysages, commandé par l'Empereur Than-Thaï à des artisans du village de Kin-Luoc à Hanoï, pour usage privé de sa mère; dans les jardins impériaux. Il s'apprêtait à retourner à Hué, dans sa patrie d'origine. Le Vietnam y tenait beaucoup. Il n'ira sans doute jamais. Karin Mollet, responsable des expositions du musée Guimet s'est avancé, et a prononcé une phrase couperet : " Ce pousse-pousse a été préempté par l'État français, pour les collections du musée Guimet. " Philippe et Aymeric Rouillac n'ont pas eu besoin de traducteur. Mais lorsqu'il a fallu expliquer aux souriantes représentantes vietnamiennes que seule la photo souvenir leur appartenait désormais, les sourires se sont fanés.

"Il y a trois ans, il avait déjà été proposé au musée Guimet par la famille du vendeur qui le détenait, s'indigne Philippe Rouillac, ils ne pouvaient pas se manifester à ce moment là ? Le musée n'avait même pas daigné répondre. Alors qu'il était donné ! On frise l'incident diplomatique !" Et si on ajoute à cela que 2014 est l'année du Vietnam, on a envie de s'exclamer : "faut pas pousse-pousser !" Ce pousse-pousse risque donc de rallumer de mauvais souvenirs indochinois entre une France coloniale dont on se demande bien si elle a vraiment fait sa résilience, et le Vietnam d'aujourd'hui.

En 2015 en Indre-et-Loire ?

Pourtant, elle avait bien commencé, cette 26e et dernière vente aux enchères garden-party de Cheverny, sous le marteau de Philippe, Aymeric Rouillac et toutes les petites mains qui assurent la réussite de cet évènement à la logistique digne d'un déplacement de la Reine d'Angleteorre. Un brûle parfum chinois, " à la chimère " en bronze doré, qui va retourner en Chine pour 250.000 € ( 310.000 € avec les frais), après une âpre bataille entre une famille voulant l'offrir à leur jeune fils et trois investisseurs chinois qui l'ont ausculté sous toutes les coutures. La Grande vague à Kanagawa de l'artiste japonais grand maître des estampes Hokusai (1760 - 1849) a été adjugé pour 110.000 € (136.400 € avec les frais) et repart elle aussi vers ses origines japonaises. L'ensemble de la vente du vendredi 13 a plafonnée à 800.000 €, celle de dimanche avec le fonds Renoncourt et mobilier Empire et Restauration à 600.000 €. Certes moins que le cru 2013, qui restera dans les annales avec plus de 11 millions d'euros, mais on n'a pas tous les jours un coffre ayant appartenu au Cardinal Mazarin à se mettre sous le marteau !



L'année prochaine donc, la 27e vente Rouillac aura lieu dans un autre endroit - et probablement dans un autre département - l'orangerie du Château de Cheverny se révélant désormais trop petite pour un tel évènement dont la logistique débute sur place près de 15 jours auparavant. Et de moins en moins compatible avec les activités du marquis Charles-Antoine de Vibraye, qui a ouvert un salon de thé dans l'orangerie, et accentue l'organisation de séminaires, mariages etc. L'Indre-et-Loire voisine pourait s'enorgueillir de voir les marteaux Rouillac s'abattre sur eux en juin 2015. Et contrairement à d'autres coups de marteaux, probablement pour leur plus grand plaisir ...

Les arts déco décollent

Lundi 16 juin, la succession Armand Albert Rateau a atteint des sommets aux enchères de Cheverny. Le total a légèrement dépassé le million d'euros.

Les fanas du marteau n'ont pas pris de râteau lundi 16 juin, pour le troisième et dernier jour de la vente du commissaire-priseur Rouillac. Un bel ensemble Arts Déco provenant de la famille d'Armand Albert Rateau a été vendu pour une somme totale de 450.000 € frais compris. " Rateau n'était pas seulement un baroque chez les modernes, c'était aussi un Ovni chez les Arts-déco ", dira Aymeric Rouillac dans sa présentation. Vingt-trois objets - essentiellement de l'ameublement - dont un splendide vase monté en lampe, une paire de chauffeuses aux palmiers en hêtre mouluré, une paire de larges fauteuils curules en poirier noirci, une très confortable bergère " Cole Porter " en placage d'ébène et gainé de Skaï crème, et le bureau personnel de A.A. Rateau, en chêne creusé de forme droite avec trois tiroirs en doucine. Les propres petites filles du célèbre créateur ont elles-même travaillé sur ce bureau. Une succession d'autant plus rare, estimable et intime que l'essentiel que l'essentiel de son oeuvre a brûlé dans l'incendie de son oeuvre a brûlé dans l'incendie de son atelier en 1952, 14 ans après sa mort. C'est son fils aîné, François, qui avait consacré un magnifique ouvrage sur l'oeuvre de son père, qui a mise en vente sous le marteau des Rouillac ces précieux éléments du décor familial, jusqu'à son salon de jardin en chêne mouluré, sculpté et cérusé (une paire de bancs et un guéridon).

Général à vendre

Parmi les autres objets partis aux enchères : une tête d'homme imberbe, un marbre représentant l'Empereur Marc Aurèle et provenant du propre château de Richelieu, adjugée à 28.000 €. Une remarquable chaise à porteur aux marines, époque Restauration, qui a trouvé acquéreur à 12.000 €. Le drapeau révolutionnaire menchevik-bolchevik, qui pavoisera chez un heureux collectionneur pour " seulement " 2.900 €. Souk à Marrakech, une huile sur toile de Jacques Majorelle partie pour 25.000 €. Un chien de cirque de Francis Picabia pour 19.000 €. La Porte de Saint-Denis, Paris, d'Édouard Cortès (1882-1969) pour 16.000 €. Enfin - last but not least - le Général de Gaulle, peinture sur une structure de contre-plaquée peinte par Albert Uderzo, le papa d'Astérix, de 2,40 mètres de haut et signée de l'auteur. 3.000 € pour le Général. " Vous m'avez compris ? "

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