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Philippe Rouillac, le commissaire-priseur qui affole les enchères

Vendredi 27 mars 2020

Le Télégramme, Hervé Queillé

« C’est merveilleux de satisfaire un vendeur et rendre heureux le nouveau détenteur d’une œuvre d’art ou d’un bel objet », confie le commissaire-priseur Philippe Rouillac, auteur d’enchères multimillionnaires. (Photo Hervé Queillé)
« C’est merveilleux de satisfaire un vendeur et rendre heureux le nouveau détenteur d’une œuvre d’art ou d’un bel objet », confie le commissaire-priseur Philippe Rouillac, auteur d’enchères multimillionnaires. (Photo Hervé Queillé)

En 300 pages superbement illustrées (1), Philippe Rouillac, le commissaire-priseur d’origine morbihannaise qui affole les enchères, ouvre le coffre de ses trésors et souvenirs…

Comment est née votre vocation ?

Le travail que j’ai eu la chance d’effectuer pour André Malraux, durant un an, a été déclencheur. Diplômé en Droit et Histoire de l’Art, une licence de mandarin m’avait conduit à rencontrer Zou Enlai, en Chine, en 1975. Malraux, qui remettait à jour l’Intemporel, m’a recruté pour m’occuper des illustrations. Cette expérience m’a donné l’occasion de toucher de près des œuvres exceptionnelles dans les musées du monde entier.

Qu’est ce qui vous touche dans ce métier ?

L’émotion. C’est merveilleux de satisfaire un vendeur et rendre heureux le nouveau détenteur, pour un temps, d’une œuvre d’art ou d’un bel objet ; même si, parfois, on est déçu quand l’acquéreur met son achat dans un coffre, comme un vulgaire investissement. Dans ce métier, on touche à l’humain. On pénètre au cœur de l’intime et des secrets de famille. Une de mes plus belles émotions est d’avoir réussi à réconcilier deux frères, fâchés depuis des années, en les amenant à se côtoyer. Possesseurs, chacun, d’un meuble encoignure du XVIIIe siècle, je les avais convaincus qu’ils en tireraient un meilleur prix en les vendant en un lot.

On reproche aux commissaires-priseurs d’être des hommes d’argent…

La réponse est simple : si vous possédiez un bel objet, n’aimeriez-vous pas en tirer une bonne somme ? Plus largement, nous contribuons à remettre des œuvres au grand jour, voire à susciter des expositions, comme, par exemple, à Versailles, après la vente des souvenirs du maréchal de Rochambeau. Nos découvertes sont un formidable vivier pour la recherche historique et l’enrichissement des collections publiques. Sans oublier que nous aidons à trouver des solutions aux délicates questions des partages successoraux ou rénovations de châteaux.

Un commissaire-priseur est-il un peu un commissaire ?

Comme un policier, nous menons effectivement de vraies enquêtes. C’est particulièrement passionnant quand on découvre, après moult péripéties et recherches, menées principalement par mon fils Aymeric, qu’un meuble transformé en bar est, en réalité, un coffre en laque du Japon ayant appartenu à Mazarin ! À 7, 2 M €, ce fut la plus forte enchère de France, en 2013 (2).

N’allez-vous pas trop loin, parfois, dans la mise en scène ?

Cela navigue parfois entre le sublime et le ridicule mais j’adore et c’est ce qui fait le succès des ventes garden-party, à Cheverny (le château de Moulinsart de Tintin) et, depuis 2015, à Echerny. Nous avons ainsi démarré les enchères du portrait de Washington de la famille Rochambeau - aujourd’hui à la Maison Blanche - en dénouant les drapeaux français et américains au son de l’hymne américain. Ce n’est pas mauvais pour les enchères car il a été vendu 5, 2 M €. Cela plaît aussi au public, d’ailleurs une grande partie ne vient que pour le spectacle. Et puis, ça déstresse car, derrière certaines ventes, il y a parfois des familles en grande difficulté qu’il faut sortir de l’ornière.

Quelle est votre enchère la plus stressante, justement ?

Je déteste les ventes de la franc-maçonnerie, en présence de maçons de loges différentes, aux regards noirs et aux paroles parfois blessantes. Mais la plus stressante a été celle des effets de Barbara avec un public écorché vif, qui criait, chantait voire vociférait, à l’instar de Gérard Depardieu. Je préfère Mick Jagger, comme client, qui est bienveillant et un vrai amateur d’art.

Celle qui vous a fait le plus vibrer ?

La vente du manège de chevaux de bois de mon enfance. J’avais convaincu le forain qu’il en tirerait plus qu’en le vendant à un collègue. Devant trois TV, je lance, puis relance les enchères à 100 000 francs. Personne ne bouge. Je perdais mes moyens. La dixième fois, une dame en vison lève la main. Réaction immédiate d’un rocker style manouche. Le manège est parti à 240 000 francs, destination Disneyland, en Floride, où le forain est allé le remonter !

Peut-on tout vendre ?

J’ai refusé de vendre une casquette d’Hitler. Je ne touche pas, non plus, aux tenues de déportés. De même, j’aurais pu vendre la correspondance de Barbara à Mitterrand mais ce n’est pas mon métier.

Le meuble préféré de Philippe Rouillac ?

Ma chaise longue, pour me ressourcer, au soleil.
1) « Adjugé ! La saga des Rouillac » (Monelle Hayot).
(2) Ses autres plus grosses ventes : « Le Christ enfant… », des frères Le Nain (1642), à 3,596 M €; « La Valse « de Camille Claudel (1900), à 1,46 M € ou une photo de Gustave Le Gray de 1856, à 917 000 €.
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