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Redécouverte d'un panneau de Lucas Cranach

Jeudi 19 avril 2001

Le Monde

Me Philippe Rouillac a déniché, pour sa vente annuelle, du 10 juin au château de Cheverny, un petit trésor. Il s'agit d'un panneau de bois de tilleul peint en 1532 par Lucas Cranach (1472-1553), non répertorié à ce jour.

Selon le commissaire-priseur, il provient d'une famille du Val-de-Loire, où il est conservé depuis plus d'un siècle, 1898 précisément, date à laquelle un aïeul à la main heureuse en fit l'emplette dans une boutique des quais de Seine. Il représente Vénus et l'Amour voleur de miel, un thème fréquemment traité par l'atelier que le peintre faisait travailler à Wittenberg, où il a résidé un demi-siècle durant au service de la cour de l'électeur de Saxe.

On connaissait quatre versions de ce sujet datées des années 1530-1532. D'autres existent, plus tardives, qui témoignent également de la popularité de cette curieuse mésaventure survenue, selon le grec Théocrite (Idylle, chant XIX), à Cupidon, le petit dieu de l'amour. Attaqué par les abeilles auxquelles il volait du miel, l'Amour se plaint à sa mère, Vénus, qui lui répond que les blessures provoquées par ses flèches sont bien plus douloureuses. Le cartel peint en haut à gauche du tableau en précise de surcroît les intentions moralisatrices : "Alors que Cupidon volait du miel de la ruche, une abeille le piqua au doigt. S'il nous arrive aussi de rechercher des plaisirs transitoires et dangereux, la tristesse vient s'en mêler et nous apporte la douleur."

LE CONTEXTE DE LA RÉFORME

Le texte, en latin, a été traduit du grec en 1528 par Philippe Schawartzerd, dit Melanchton, un disciple de Luther. Cranach est également proche du Réformateur : il a illustré en 1522 la traduction allemande de son Nouveau Testament. Toute profane qu'elle soit, cette scène peut donc s'interpréter dans le contexte de la Réforme naissante.

Le panneau qui sera proposé à Cheverny n'a pas été restauré. Il est "dans son jus", comme disent les spécialistes, expression ici justifiée puisque aux piqûres des abeilles sont venues s'ajouter les injures de générations de mouches. Mais à travers la crasse, la peinture semble dans un état de fraîcheur et de conservation exceptionnel, puisque tous les détails apparaissent clairement, des glacis à l'opalescence du voile de Vénus en passant par le serpent ailé, ce blason avec lequel, depuis qu'il lui avait été octroyé en 1508, Cranach signait ses œuvres.

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