FR
EN

À la santé de Monsieur le curé

Samedi 22 juin 2013
Monique, de Saint-Firmin-des-Prés nous envoie la photographie d’un pichet à la forme originale. Maître Philippe Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.

Chiné à la brocante dans les années 1930-1940, voici un pichet pour le moins curieux. La panse cylindrique est simple mais le col adopte l’apparence d’un visage humain. Il s’agit d’un pichet dit « anthropomorphe ». L’anse est appliquée à l’arrière de la tête. L’habit sombre agrémenté d’un jabot blanc et le couvre-chef que revêt notre mystérieux personnage constituent l’habit traditionnel des ecclésiastiques. Un curé réduit en cruche à eau ! Quelle insolence ! De tradition familiale, on pensait que ce pichet représentait le roi Louis XI. Peut-être les longs cheveux de notre individu ont-ils été confondus avec la fameuse calotte dont se coiffait le souverain. Traité en camaïeu de beige et de marron, la pièce a un aspect assez rustique. Les détails en relief sont épais. Le matériau utilisé est très en vogue tout au long du XIXème siècle. Il s’agit du grès, une céramique très dure accueillant le plus souvent un décor vernissé. Le travail du grès apparait en Chine au Moyen-âge et se repand en Europe au XIVème siècle. Au XIXème siècle, de nombreuses manufactures ouvrent leurs portes en France. C’est l’âge d’or du grès vernissé. La fabrique de La Borne, près de Bourges, est l’une des plus réputée. Sous la houlette de la famille Talbot et d’autres potiers, naissent les grès du Berry. Parmi les créations phares de La Borne, des fontaines vernissées crème adoptant l’aspect de femme en pied vêtue de robe côtelées et coiffée à la mode berrichonne. Les pichets anthropomorphes sont également emblématiques de la production. Les figures les plus représentées sont les hommes au tricorne, les militaires et…les curés ! Les larges yeux stylisés de notre personnage sont caractéristiques de la technique des potiers berrichons. Le plus souvent, chaque pièce sortant de sa fabrique se voit apposer une marque en creux ou au tampon. Très utiles, elles permettent d’identifier les productions de tel ou tel centre. Gare aux contrefaçons de marques ! La copie d’objets de luxe ne date pas d’hier. Nous ignorons si ce pichet est marqué…à notre lectrice de mener son enquête !

Le pichet de Monique date probablement de la fin du XIXème siècle. Les modèles antérieurs étant recouverts d’un émail crème et non bicolore. Pour ce jovial curé berrichon, comptez environ 150 à 200 euros en vente aux enchères, s’il est en bon état. Si vous pensez que les céramiques du Berry sont tombées en désuétude, rendez-vous à La Borne pour une visite au Centre Céramique Contemporaine où les fours à grès s’enflamment plus que jamais ! Bonne idée de visite pour les vacances à environ 2h de Blois.
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :