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L’heure du retour à la tradition a sonné !

Samedi 01 février 2020 à 07h

Cette semaine, Patrick nous fait parvenir la photographie d’une garniture de cheminée conservée par descendance depuis plusieurs générations. Me Philippe Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



Ding, dong, ding, dong, l’heure du retour à l’ordre a sonné ! Et pour cause, cette garniture de cheminée composée d’une pendule et de deux pots à feu est parée de marbre comme les nombreux objets sous l’Antiquité. Matière noble par excellence, deux types sont utilisés : un rose et un rouge qui ont chacun de nombreuses veines. Mais surtout, la jolie pendule de Patrick présente une forme pentagonale avec des arrêtes droites. Créée autour de 1930-1940, sa silhouette rompt avec les formes onduleuses voire sinueuses de la seconde moitié du XIXe siècle et du début du XXe siècle. L’Art nouveau constitué autour de 1890 dans tous les foyers artistiques européens ne dure qu’une quinzaine d’années et finit par s’essouffler à la mise en œuvre de l’Art déco qui use des formes droites donnant un aspect sévère. Cette garniture s’inscrit parfaitement dans la ligne de ce mouvement.

Un homme de goût est à l’origine de ce style : le couturier Paul Poiret. Ayant fait le tour de la question de l’art du XVIIIe, il disperse sa collection de mobilier lors de la « vente du siècle » pour constituer ensuite l’une des plus belles collections d’art moderne et surtout … d’Art déco ! Il commence par confier la décoration intérieure de son studio et son hôtel particulier de l’Avenue des Bois à Paul Iribe. Précurseur de ce mouvement, l’artiste est qualifié à la fois d’homme du retour à l’ordre et de coloriste car utilisant des matériaux précieux, des forme droites et des couleurs vives. Aujourd’hui nous pouvons retrouver de nombreuses pièces livrées par Iribe à Poiret au Musée des Arts décoratifs à Paris, à l’exemple de sa commode en galuchat vert qui est ornée de guirlandes de lauriers en bronze rappelant le style Louis XVI. La pendule de Patrick est parée également d’une applique en bronze doré composée de fleurettes et de fruits.

L’Art déco est à son apogée en 1925 lors de l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes organisée à Paris. Les réalisations des grands maîtres dominent, à commencer par Jacques-Émile Ruhlmann qui constitue le mobilier du pavillon du collectionneur. L’idée de cet art du luxe correspond à l’esprit de « Gatsby le magnifique » et ne prend pas en compte la situation difficile dans laquelle est plongée une grande partie des Français à la fin de la Grande guerre. Mais l’Art déco finit par se démocratiser quelques années plus tard, au moment même moment que la création de cette garniture. Bien que de grande qualité, elle n’est pas le fruit d’une grande manufacture, mais correspond au goût bourgeois de l’époque.

Destinée à être placée sur une cheminée elle-même en marbre, elle organise la vie de la maison en indiquant et sonnant chaque heure de la journée. Sonne-t-elle encore ? Pour vérifier, commencez par raccrocher le balancier à la suspension et remontez-là à l’aide de sa clef. Aujourd’hui le goût pour ces pendules a baissé et les amateurs les recherchent beaucoup moins. Sous réserve d’un examen physique, nous pouvons l’estimer entre 50 et 100 euros aux enchères. À ce prix, la tradition est sauvée !
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