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Gourde royale du XIXè pour combattre la soif de tout temps

Samedi 25 janvier 2020 à 07h

Cette semaine, Catherine nous fait parvenir la photographie d’une gourde qui appartenait à sa maman. Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



Plus qu’un objet d’usage permettant à son propriétaire de se désaltérer, cette gourde est avant tout un objet de décoration intérieure connu par bon nombre de nos fidèles lecteurs de Loir-et-Cher. En terre cuite émaillée, cette faïence présente plusieurs nuances de bleus formant un camaïeu. Bleu ni de Sèvres ni de Gien mais propre à Blois. Une face représente un cygne blessé. Il est dit « navré » pour désigner la flèche ou le dard le traversant.

Ce cygne est un motif iconographique courant pour les amateurs blésois. Il se retrouve sur la façade du château et notamment sur l’escalier monumental à vis hors-œuvre. Et pour cause, l’animal fait référence à Claude de France, épouse de François Ier lui-même bâtisseur de l’aile éponyme du château. Mais pourquoi un cygne ? S’il est aussi l’emblème de Louise de Savoie, sa mère - en ce qui concerne Claude de France, nombreux et houleux sont les débats entre les spécialistes. L’historien local Charles Lenormant répond avec romantisme que « le cygne caractérise si admirablement [Claude] : un cygne pour la pureté ; une flèche pour la vie d’outrages à laquelle la condamnaient les désordres de son mari ». L’infidélité de François Ier conduit la reine à user pour symbole du cygne meurtri. Mais surtout la blancheur du plumage renforce la portée de sa devise : « pure parmi les pures ».

Outre le cygne percé d’une flèche, les symboles des monarques ayant occupés à la Renaissance le château de Blois sont nombreux dans la céramique locale de la seconde moitié du XIXe siècle. En plein courant néo-renaissance, le porc-épic de Louis XII, la salamandre de François Ier ou l’hermine d’Anne de Bretagne sont en effet très présents. La gourde de Catherine s’inscrit directement dans ce mouvement artistique mis en œuvre à Blois par Ulysse Bernard. La restauration du château par Félix Duban entrepris à la suite du classement aux monuments historiques en 1840 par le célèbre Prosper Mérimée a joué un rôle évident dans l’inspiration de l’artiste. D’ailleurs, cette jolie pièce de forme présente à son revers la mention/signature de ce céramiste installé à partir de 1862 anciennement quai des Imberts, aujourd’hui quai Ulysse. Mais attention Ulysse n’est pas le créateur de cette pièce. C’est Émile Balon, son successeur, qui en est l’auteur. Sur la gourde est inscrit la mention : « Ulysse Blois / & Balon / Seur ». Balon reprend en 1886 l’entreprise florissante de son maître et prolonge le style instigué par celui-ci grâce à l’ensemble des archives qu’il détient et au droit d’usage de la double signature. Bien que toujours appréciées, ces pièces sont en revanche moins recherchées que celles créées initialement par Ulysse. Il est possible d’estimer cette gourde entre 100 et 150 euros. Un bon prix à payer pour combattre de tout temps la soif avec panache !
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