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Empire du Milieu de bleu et de blanc de Chine

Samedi 18 janvier 2020 à 07h

Cette semaine, Yves nous fait parvenir la photo d’un vase resté dans sa famille depuis 1930. Me Philippe Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



La fascination qu'a exercée la porcelaine de Chine en Occident a été telle qu'elle a duré plusieurs siècles. Cette matière magique translucide était arrivée en Europe à la fin du XIIIe avec Marco Polo, ensuite par la route de la soie, puis par celle des épices avec les Compagnies des Indes. Rien de plus typique de la porcelaine de Chine que le bleu et blanc. Les premiers exemples remontent à la dynastie mongole des Yuan (1279-1368) qui fut la première à ouvrir totalement la Chine sur le monde. La porcelaine de Chine a emprunté des techniques venues de la faïence iranienne et a gagné le cœur des monarques européens. C'est la dynastie Ming qui pousse la technique à son apogée. Au XVIIe siècle, on copie bientôt ce bleu et blanc partout en Europe : à Savone, en Italie, à Delft en Hollande, à Rouen ou Nevers en France... Mais en faïence et non en porcelaine !

Il faut attendre la découverte du kaolin au XVIIIe pour que la porcelaine européenne se mette à concurrencer celle de Chine. En 1769 à Saint-Yrieix, près de Limoges, le premier gisement de kaolin est découvert en France. C’est le début de la fabrication de la porcelaine française, à Limoges, Vincennes puis Sèvres.
Le vase d’Yves, pour sa part, témoigne des échanges entre Chine et Asie Mineure. Mesurant une trentaine de centimètres, son décor emprunte à la fois au style Ming et aux réalisations ottomanes d'Iznik qui se sont inspirés mutuellement. Sa forme est celle, traditionnelle, du pot à gingembre qui servait à la conservation des épices. Son décor floral est aussi bien connu puisqu'il présente des entrelacs de lotus stylisés. Les motifs dans l'art asiatique sont toujours riches de symboles : le lotus représente la pureté bouddhique et l'élévation spirituelle de cette fleur qui émerge des marécages. Cette fleur est aussi le symbole de la simultanéité, de l’éternité et du renouveau. Elle est un élément à la fois immuable et cyclique qui est de grands axes de la spiritualité orientale.

Pour dater ce vase, il faut examiner la qualité de la pâte et notamment observer la couverte au niveau du talon. Celle-ci diffère d'une époque à une autre et n'aura pas la même patine selon qu'elle est ancienne ou moderne.
Notre pot à gingembre semble appartenir à la catégorie des imitations modernes des vases du XVIIe siècle. Dans le passé, ils étaient vendus en garniture de cinq ou trois pièces, alternant entre vases de forme balustres et vases de forme rouleaux. Celui d’Yves est malheureusement isolé et date vraisemblablement de la fin du XIXe siècle. A moins de porter une marque dessous la base… ? Il n'en garde pas moins un aspect artisanal très décoratif qui le distingue d'une production plus récente industrialisée. Il se rapproche des productions vietnamiennes de cette période qui imitaient également la Chine avec ce fameux "bleu de Hué". On pourrait donc estimer notre vase entre 80 et 120 €. Pour celles et ceux qui voudraient un vase similaire, il faudra se rendre à Jingdezhen, ville du Sud de la Chine qui perpétue la tradition en véritable capitale mondiale de la porcelaine. La quête millénaire n'est pas prête de s'arrêter !
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