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Un compteur chiné pour la prochaine Chouine

Samedi 04 janvier 2020 à 07h

Cette semaine, Jacques de Montoire nous fait parvenir la photo d’un objet qu’il a découvert et dont il ignore la fonction. Me Philippe Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.

Dérivé du « Mariage », jeu de cartes dont les règles sont rappelées par Rabelais dans Gargantua, la « Chouine » est un jeu à trente-deux cartes. Ses origines remonteraient au XVIe siècle ! Les cafés de la fin du XIXe et du début du XXe étaient remplis de joueurs invétérés, s’adonnant avec passion à la belotte, au piquet, à la manille, au bésigue, au whist ou encore au Rubicon. Ces jeux évoqueront pour certains de nombreux fous rires, pourtant ils sont aujourd’hui devenus rares…
Les jeux de cartes en comptent habituellement cinquante-deux, de nombreuses variations sont toutefois possibles. Le paquet à trente-deux cartes, c’est-à-dire allant de l’As au sept, a permis l’élaboration de ces jeux se jouant à deux, trois ou à quatre joueurs. Aujourd’hui tombés en désuétude pour la plupart, les joueurs de notre région, fidèles à leurs traditions, continuent de se défier à la « Chouine ». L’association de la sauvegarde du château de Lavardin a même publié sur son site internet ses règles officielles. Avec ses annonces, ses atouts, le compte des points devient très vite désorganisé. Aussi, l’utilisation d’un compteur peut s’avérer plus lisible qu’une feuille de papier.

L’objet présenté par Jacques est un marqueur de points. Il s’agit d’un rectangle de bois sur lequel est vissée une plaque de métal. Cette plaque, probablement en étain, présente onze languettes rivetées basculant sur une tige. D’un côté, elles présentent les couleurs, trèfle et cœur superposés, de l’autre, les nombres « 1 », « 5 », « 10 », « 50 » et « 100 ». Les couleurs sont décoratives, les nombres permettent de compter par addition et soustraction un total maximum de « 199 » points. Chaque joueur se devait donc de posséder un marqueur de ce type, pour à la fin de chaque partie, compter la valeur de ses plis.

Deux inscriptions circulaires nous interpellent sur cette plaque métallique : « Breveté SGDG ». Cette mention est héritée d’une loi de 1844 qui dispose que les brevets étaient délivrés en France sans examen de nouveauté de l’invention et au péril du demandeur. Cette marque nous démontre qu’il existait un marché à l’époque pour ces compteurs, preuve de la popularité des jeux de cartes que nous avons évoqués. Il est amusant de noter que l’on fabriquait aussi au XIXe siècle, de l’autre côté du monde et plus exactement au Japon, des compte-points en ivoire très proches de celui de Jacques.
Les maldonnes et les pénalités étant courantes à la Chouine, le comptage clair et précis des points est nécessaire. Comme le rappelle Oscar Wilde par son aphorisme : « il faut toujours joueur loyalement quand on a des cartes gagnantes »… Pour éviter de subir la malice des malchanceux ces compteurs se sont alors répandus dans les bistrots de l’hexagone ! Selon le jeu joué, les languettes peuvent avoir différentes valeurs pour s’adapter aux différentes règles de comptage.
Le compte-points de Jacques, découvert dans la Vallée du Loir, a probablement servi quelques esthètes de la Chouine. Ses languettes ont connu les dix de der inattendus et les levées de brisques assassines ! Si l’objet parait aujourd’hui mystérieux il était très courant au début du siècle. Son estimation s’en ressent autour de 20 ou 30 euros tout au plus. Depuis 1974, le premier week-end de mars est l’occasion pour tous les amoureux des cartes de se réunir pour les championnats du monde de la Chouine à Lavardin. Un moment idéal pour apporter votre compte-points au « plus français des villages de France » !
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