Un service de table de fête

Cette semaine, Monique nous fait parvenir la photo du service de table qu’elle tient de sa maman. Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, partage son avis.

Le service de table de notre lectrice est composé d’assiettes, de différents plats et d’une soupière. Toutes ces pièces présentent un décor bleu constitué d’un liseré surmontant une guirlande végétale parée de fines fleurs et autres feuilles stylisées. Ces motifs se développent sur le marli des assiettes et des plats ainsi que sur la panse et le couvercle de la soupière. Celle-ci voit d’ailleurs sa prise et ses anses agrémentées de formes naturelles rappelant l’écorce d’un arbre avec des fruits en relief tombés à son pied. Au revers de chaque pièce est apposé la marque suivante : « Service Flandre / Creil et Montereau ». Ce service en faïence réalisé par la manufacture de Creil-Montereau au début du XXe siècle est en effet inspiré des productions plus anciennes de la Flandre.

La manufacture de Creil Montereau naît en 1840 de la fusion de deux rivales : la fabrique de Montereau ouverte dès milieu du XVIIIe siècle et celle de Creil fondée en 1797. Ce projet visant à mutualiser les forces pour tenir le gant face à la production étrangère est un véritable succès. L’entreprise, sous la raison sociale Lebeuf, Millet et Cie, accumule les distinctions dont des médailles d’or aux expositions de 1864 et 1867 et est même citée par Flaubert dans L’éducation sentimentale. Toutes les activités sont transférées sur le seul site de Montereau en 1895, bien que l’appellation demeure jusqu’en 1920, année de reprise par la manufacture de Choisy-le-Roi.

Si l’histoire de la faïencerie de Creil-Montereau est proche dans le temps et figure dans notre conscience collective, en revanche celle de la céramique vernissée remonte en Europe du XVe siècle, particulièrement en Italie dans la ville de Faenza, d’où provient la le nom de cette technique. La faïence se définit comme une céramique à pâte argileuse, tendre, poreuse, recouverte d'un enduit imperméable et opaque. Elle cherche à imiter les productions chinoises de porcelaine, dont la pâte inrayable laisse finement passer la lumière en transparence. La faïence est nécessairement liée aux arts de la table. Ainsi, à a Renaissance, Catherine de Médicis apporte avec elle dans le Val de Loire les assiettes en faïence et autres couverts, telles que les fourchettes à deux dents. Les XVIIe et XVIIIe sont les périodes les plus importantes en ce qui concerne le développement du cérémonial du repas. Les couverts deviennent individuels et sont alors disposés à droite de l’assiette ! Le secret de la porcelaine n’est découvert en Europe qu’en 1709, en Saxe, par l’allemand Bottger. À partir de cette période la faïencerie subit la rude concurrence de la porcelaine et doit se renouveler, aboutissant cent ans plus tard à la naissance de Creil et Montereau !

À l’heure des réveillons de Noël et de la saint Sylvestre, le service de Monique à toute sa place sur une table de fête À coup sûr, vous ne vous regarderez pas en chien de faïence autour d’une si belle table ! Si vous chercher à gâter vos proches, il faudra compter sur un prix débutant à une centaine d’euros pour ce service, en fonction du nombre de pièces dont vous disposez. Belle année 2020 !

• Téléchargez l'article de La Nouvelle République du Samedi 28 décembre 2019