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Charles Lapicque ou la science de la couleur

Vendredi 08 novembre 2019

La Gazette Drouot, Caroline Legrand

Charles Lapicque (1898-1988) La Passion selon saint Matthieu, 1968, huile sur toile, signée, titrée et datée. 73 x 60 cm.
Estimation : 3 000/5 000 €

La découverte d’un ensemble d’œuvres provenant de sa muse Elmina Auger permet de remettre en lumière le travail de cet artiste inclassable, également scientifique et musicien, dont les recherches ont inspiré des générations de peintres.

La musique, les sciences et la peinture… Autant de domaines qui possédaient aux yeux de Charles Lapicque des correspondances infinies, qu’il a approfondies sans relâche. Longtemps, ses multiples centres d’intérêt le firent hésiter dans ses choix de carrière. Élevé par son oncle, le physiologiste Louis Lapicque, diplômé de l’École centrale de Paris, il évolua dans le milieu scientifique durant toute sa vie, épousant la fille du prix Nobel de physique Jean Perrin, Aline. Mais une femme l’incita notamment à se lancer dans la voie artistique : Elmina Auger, une professeure de lettres qu’il rencontra en 1925. Elle lui ouvrit de nouveaux horizons, lui faisant découvrir la culture littéraire et philosophique. Elle acheta en 1957 une demeure sur l’île de Bréhat. Le monde est bien petit : en face, sur la pointe de l’Arcouest, se trouvait Sorbonne-Plage, cette maison bâtie par un groupe de scientifiques mené par les Joliot-Curie, mais aussi par Jean Perrin et Louis Lapicque.

Flamboyance, bleu, Bach

C’est de cet atelier de Bréhat que proviennent les œuvres aujourd’hui proposées, conservées par Marie Maublanc, fille du philosophe René Maublanc et héritière de son amie et inspiratrice Elmina Auger. Le samedi passeront ainsi sous le feu des enchères cent soixante-huit lots d’œuvres sur papier, dessins, encres, gravures ou gouaches, accessibles pour quelques centaines d’euros. Le lendemain, quatre sculptures de 1969-1970 estimées entre 600 et 1 500 €, en métal poli ou en inox découpé et assemblé, et trois tapisseries seront accompagnées de dix-neuf huiles et gouaches. Les estimations restent très raisonnables, allant jusqu’à 4 000/6 000 € pour la toile de 1954 Villa Vicentine, hommage à l’architecture antique et à l’Italie romaine que Lapicque découvrit en 1953. Si cet ensemble débute au milieu des années 1940, n’abordant pas ses travaux de jeunesse sur le cubisme et l’abstraction, il offre un large éventail du travail de l’artiste de 1944 à 1987. Un dessin au crayon et encre de 1947, Le Calvaire de Kérembzec (300/500 €), évoquera ainsi sa période des «boucles et entrelacs» : s’impose une ossature de lignes bleues faisant écho à ses recherches sur les rapports entre les couleurs et les formes, et notamment sur la capacité du bleu à rapprocher les éléments, tandis que le rouge les éloigne. La phase flamboyante sera ensuite évoquée par Dans la forêt de 1981 ou La Mer, de 1987 (3 000/5 000 € chaque), deux morceaux de bravoure et d’harmonie sur le thème de la correspondance entre les couleurs. Si Lapicque décide en 1943 de se consacrer entièrement à la peinture, signant un contrat avec la galerie Louis Carré, il réservera à ses autres domaines de prédilection une place de choix dans ses toiles, à l’image de la musique dans cette Passion selon saint Matthieu. Un art incontournable pour cet amoureux de Bach, de Mozart et de Haendel qui apprit à jouer dès son plus jeune âge sur le «patron» Stradivarius de son père (un musicien décédé à sa naissance) et débuta le piano à 5 ans. Partageant cette passion avec Elmina Auger, il chanta longtemps avec elle dans la chorale du musicien, et commandant dans la France libre, Robert Dalsace.
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