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Coffre gothique pour Halloween

Samedi 02 novembre 2019 à 07h

Cette semaine c’est un lecteur lointain, Michel, de Mons en Belgique qui s’interroge à propos d’un coffre ancien « très lourd ». Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, lui donne son avis.



Le Val de Loire connait bien ces coffres en bois qui accueillent le visiteur à l’entrée des grandes demeures. Au moyen-âge, c’est le meuble principal, voire unique, des intérieurs. Il permet de transporter facilement les objets les plus précieux, tout en suivant le roi qui se déplace de villes en villes, à travers son royaume. Sa conception est simple : six planches de bois assemblées, dont une en guise de couvercle. Avec la sédentarisation de la cour à la Renaissance, ces meubles s’ornent de décors de prestigieux, destinés à orner l’intérieur pour lequel ils sont pensés. Ainsi le coffre dit de Catherine de Médicis, que nous avions retrouvé en 2015 et qui est maintenant dans la chambre de la reine au château de Chaumont-sur-Loire, est-il orné d’enroulements de cuirs et de fleurs-de-lys royales. Le XVIIe voit la naissance de la commode, inventée par André-Charles Boulle, l’ébéniste de Louis XIV. Homme de génie, surtout connu pour sa technique de marqueterie, il a l’idée d’ajouter au coffre quatre pieds et des tiroirs, forts « commodes » pour y ranger ses effets. On peut donc dire que le coffre est l’ancêtre de la commode.

Le coffre de Michel est-il lui aussi un meuble royal ? En chêne, un bois utilisé au nord de la Loire, on observe qu’il est uniquement sculpté en façade. Il reçoit un beau décor architecturé, avec ses arcades, ses rosaces ornées de croix et ses moulures de style gothique. Il présente quatre baies, qui rappellent celles des vitraux des églises et des cathédrales, comme si Notre Dame de Paris s’invitait subitement dans votre salon ! Son contenu est protégé des voleurs par une large serrure à moraillon en métal. Il s’ouvre en hauteur par un abattant retenu par des charnières. Observez attentivement les traces du montage des planches, qui est dit en « queue d’aronde ». Cette technique d’assemblage sans clous ni vis permet d'emboîter deux surfaces perpendiculaires. Elle tire son nom de leur forme, rappelant la queue d’une hirondelle. La différence de couleurs des bois et du traitement du piétement, des côtés et du couvercle par rapport au panneau de façade trahit des éléments disparates. Il y a fort à parier que le panneau central, probablement ancien et arraché aux stalles d’une église, a été monté tardivement à la manière d’un coffre. Ses grandes dimensions et l’absence de poignée trahissent un usage sédentaire, tout à fait incompatible avec sa fonction originelle supposée du XVe siècle.

De nombreux coffres comme celui-ci ont été fabriqués tout au long du XIXe et se négocient à partir de 200 €, voir plus, eut égard à sa grande taille. Ce coffre n’est donc ni royal ni ecclésial mais un habile maquillage par un menuisier amoureux du style gothique, un peu comme ces enfants qui ont déambulé à travers nos rues réclamant des bonbons et menaçant de nous jeter un sort ! Voilà une belle occasion de lui trouver un nouvel usage… gothique : comme réserve à bonbons géante en attendant la prochaine halloween !
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