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« Une femme sans parfum est une femme sans avenir »

Samedi 14 septembre 2019 à 07h

Cette semaine, Ghislaine, de Villechauve, nous fait parvenir la photo d’un flacon de parfum, Philippe Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



Comme le bon mot de Coco Chanel en témoigne, l’histoire de la France est liée à celle du parfum. Souvent moquée à l’étranger pour l’utilisation abusive de fragrances comme c’était le cas de la cour à Versailles, la France est aussi comme chacun le sait le pays du Champagne. Le flacon présenté par Ghislaine nous permet de revenir sur un évènement qui n’est pas dénué d’intérêt, l’affaire Saint-Laurent / INAO.

Revenons sur les faits : le grand Yves Saint-Laurent cède en 1993 une partie de son entreprise au groupe Sanofi, la même année ils développent un parfum au nom qui va faire scandale. Il s’agit d’un chypre fruité, c’est-à-dire un parfum à base de bergamote et de mousse de chêne, rendu plus gourmand par des accords de pêche-nectarine trop mûre et une attaque métallique qui rappellerait certains vins blancs liquoreux. Le design est soigné, le flacon et son bouchon en verre façon cristal, le tout orné de métal doré feignant un travail d’orfèvrerie martelé, et rappelant les fils de fer retenant la plaque de muselet des fameuses bouteilles de vin effervescent. Évocation d’un vin blanc ? Référence à un caractère supposé pétillant ? Le nom est choisi : Champagne. Coup marketing génial, le parfum devient en trois mois le plus vendu d’Europe ! En alliant l’image de marque du nectar champenois et de la mode parisienne, le cerveau humain tisse inévitablement un lien étroit entre les deux, on peut lire alors partout dans la presse que le parfum de Saint-Laurent à l’odeur d’un vin festif, délice de l’imagination…

Pourtant, ce succès ne ravit pas tout le monde, l’INAO (l’Institut national des appellations d’origine) et le CIVC (le Comité interprofessionnel du vin de champagne) intentent un procès. Une loi de 1990 interdit en France de détourner la notoriété d’une AOP dont seuls les producteurs peuvent se prévaloir. La Cour d’appel de Paris du 15 décembre 1993 confirme un jugement rendu en première instance et oblige la société Saint-Laurent à retirer tous les parfums estampillés « Champagne ». Seule l’utilisation du nom est sanctionné, ce parfum deviendra « Saint-Laurent » puis « Ivresse » en 1996, et continuera ainsi à être commercialisé. Chambord, son château, ses administrateurs, connaissent bien la difficulté de protéger l’appellation prestigieuse Chambord…

Le flacon présenté par Ghislaine est une relique d’un best-seller controversé. Il existe dans plusieurs volumes de 7,5 à 100 ml, en eau de parfum ou en eau de toilette. L’eau de toilette de 50 ml de Ghislaine reste fréquente sur le marché et son estimation subit son manque de rareté, elle est de 30 à 50 euros. Puisque elle a encore son cellophane on peut raisonnablement penser qu’elle obtiendra un prix légèrement supérieur. Le grand parfumeur René Coty avait choisi de faire du château d’Artigny, un écrin pour ses fragrances, la tradition du flacon rare demeure encore puissante sur nos terres.

Mais à ce prix, pourquoi ne pas se vaporiser d’un parfum d’interdit ? Et n’oubliez pas Mesdames…« qu’importe le flacon pourvu qu’on est l’ivresse » !
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