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Par Saint Hubert un buffet de chasse ? La Renaissance à bon prix !

Samedi 29 juin 2019 à 07h

Jean-Pierre, de Remiremont, présente aujourd’hui un meuble dont il souhaite connaître l’histoire. Me Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, nous donne son avis.



Le meuble de Jean-Pierre est un buffet à deux corps. Probablement en chêne, la partie haute dévoile trois portes délimitées par quatre colonnes balustres, la partie centrale en léger ressaut. Au centre, un plateau forme une desserte, elle est scandée par deux fortes colonnes en bois tourné. La partie basse présente deux tiroirs surmontant deux portes, à gauche et à droite deux colonnes à balustre reprennent la forme de celles de la partie supérieure, elles encadrent le tout. Enfin, le meuble repose sur quatre pieds en boulles aplaties. On peut penser que les deux parties ont été conçues ensemble dès l’origine, et qu’il ne s’agit pas comme c’est parfois le cas, d’un mariage de raison entre deux meubles différents.

Si le décor des deux grandes portes se limite à des motifs géométriques de carrés, triangles rectangles et végétaux stylisés, la partie haute, celle qui se situe au niveau du regard, comporte une sculpture beaucoup plus riche. Au centre un panneau sculpté en haut relief figure une scène cynégétique. C’est le nom que l’on donne aux scènes de chasse, ici un cavalier vêtu à la mode de la Renaissance chevauche après un cervidé. Il se détache en plus fort relief d’un paysage construit autour d’une tour médiévale et d’un arbre un peu étrange. Les ventaux latéraux affrontent deux cornes d’abondances, symbole antique de l’opulence. Les motifs ornementaux sont traités avec dextérité ou du moins une certaine habitude. Le panneau central au contraire, témoigne d’une tentative plus naïve dans sa réalisation. D’une main probablement différente, il a pu être acheté par le menuisier de notre meuble afin d’enrichir son œuvre.

Ce décor, comme la forme de ce buffet sont typiques de ce que l’on appelle le style Henri II. Si le mobilier de ce grand roi successeur de François Ier est aujourd’hui presque entièrement perdu, les antiquaires ont pris l’habitude de nommer ainsi une production rétrospective de la seconde moitié du XIXème et du début du XXème siècle. Quelques exemples de meubles d’époque Henri II sont présentement exposés au château de Saint-Germain-en-Laye. Meuble de la petite bourgeoisie, très décoratif il garde un peu l’esprit des cabinets de l’époque Louis XIV, être le plus possible : ostentatoire !

Preuve en est de son caractère non fonctionnel, un buffet de chasse doit être coiffé d’un plateau de marbre. Les ventaux doivent pouvoir se rabattre et rester ouverts pendant le repas grâce à leurs charnières supplémentaires. Les couteaux rangés dans les tiroirs permettent alors de découper le gibier sur le plateau de marbre et de le servir aux convives. Les rendant alors admirateurs de la fine gâchette de l’amphitryon, ou de ses chevauchées fantastiques !

Malgré sa qualité, l’application avec laquelle le menuisier l’a réalisé, on constate que ce genre de production déplait aux nouvelles générations. Le goût royal pour la chasse à courre se perdant, ce meuble n’a aujourd’hui plus de fonction. Sa valeur s’en ressent… 100 euros, peut-être davantage une fois rénové comme certains le font en le repeignant avec des couleurs vives. À bon entendeur !
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